Peu après les premiers raids de septembre, l’ennemi se mit à envoyer sur la ville des bombes à retardement, dans l’intention délibérée de priver la population assiégée de moyens de transport, d’arrêter le travail des usines, de paralyser l’activité industrielle et de semer la panique parmi la population.
Comme on ne savait pas alors comment désamorcer les bombes et que l’ennemi utilisait des détonateurs de types et d’aspects variés, ces explosifs a retardement présentaient un réel danger. La bombe était dégagée à la bêche et les membres de la défense passive devaient pénétrer dans le trou pour dompter le monstre qui risquait d’exploser d’un instant a l’autre. Comme la bombe pouvait éclater pendant qu’on la démantelait, le travail de désamorçage était confié à un seul homme. La façon de désamorcer la bombe était décidée à l’endroit même ou celle ci était tombée et compte tenu de la situation particulière. On choisissait souvent de faire sauter le collier du détonateur au marteau, plutôt que de le dévisser avec une clé à molette pour aller plus vite.
Des équipes de volontaires pour ce travail étaient formées dans tous les raion, équipes composées de gens courageux et résolus.
Une bombe tomba un jour sur le dépôt des autobus, rue Serdabolsky. Traversant plafonds et planchers, elle atterrit à la cave sans exploser. La zone dangereuse fut immédiatement évacuée, barrée, et les chefs de raion de la défense passive prévenus. Le chef de peloton d’un des détachements de D.P . arriva rapidement : frêle jeune fille aux yeux noirs, Anna Nikolaïevna n’avait, en fait, jamais encore désamorcé de bombe. Apres avoir examiné le trou dans le plancher, pour déterminer la taille approximative de l’engin, elle alluma une bougie et, courageusement se glissa dans la cave pour accomplir sa terrifiante mission.
La lumière de la bougie dans la cave sombre révéla des rangées de poteaux de 0,60m de haut sur lesquels courraient des conduites d’eau et des câbles électriques s’étirant au loin. Quelque part dans la cave humide et noire, emplie du bourdonnement monotone des câbles le monstre se dissimulait, prêt a faire éclater le dépôt et les maisons avoisinantes. S’éclairant de la bougie, Anna se faufila, sur les mains et les genoux, a travers les poteaux s’efforçant de ne toucher à aucun câble, non isolé, a la recherche de l’engin. A l’extrémité de la cave, entre les poteaux, elle découvrit, couchée horizontalement, une bombe de grande force explosive. Garder la tête froide dans de pareilles circonstances exigeait sans nul doute une grande force de volonté.
Anna attaqua la bombe au marteau pour faire sauter le collier. L’ayant enlevé avec difficulté, elle retira les détonateurs et dévissa l’ogive de l’amorce. Le monstre était à présent hors d’état de nuire.
Lorsque Anna sortit de la cave, on lui demanda ce qu’elle avait éprouvé : « J’etais un peu inquiete, parce que j’avais peur que la bougie ne s’eteignit avant que j’eusse devissé le detonateur, mais tout s’est bien passé », repondit-elle.
Derrière le cordon de barrage, la foule, les yeux pleins de surprise, regardait avec affection cette délicate jeune fille qui, sans crainte aucune, avait affronté un danger mortel.
Pendant le siège, Anna Nikolaïevna désamorça plus de quarante bombes. A l’heure actuelle, elle est ingénieur a Leningrad. Par miracle elle a échappé à la mort et n’a même jamais été blessée.
Extrait de «Leningrad», par Dimitri V. Pavlov.
un petit extrait tiré d'un de mes atlas de le seconde guerre mondiale