carlo a écrit:tietie007 a écrit:Ca fait longtemps que j'ai lu le bouquin de Souvorov et je l'ai racheté, dernièrement, chez un bouquiniste pour quelques euros. Je ne crois pas à sa thèse, mais il est clair que l'attitude de Staline, juste avant l'invasion allemande, reste assez étonnante, et que, fondamentalement, je n'arrive pas à me l'expliquer. Même si l'intoxication par Orets Berlinks, dont j'avais parlé dans un autre topic, peut expliquer cette atonie du Petit Père des Peuples.
Personnellement, je ne pense pas qu'il faille voir dans ce comportement la main des services allemands, pas plus que dans l'affaire Toukhachevsky. Je pense que Staline voulait simplement éviter une guerre en 1941 et ne donner aucune raison à Hitler d'attaquer. L'armée rouge était-elle prête à un assaut contre l'Allemagne? A mon sens non, les défaites des premiers mois le prouvent. Etait-elle prête à une guerre contre l'Allemagne? Le fait que l'URSS reprennent l'initiative stratégique dès octobre 41 le prouve.
tietie007 a écrit:Souvorov mettait surtout l'accent sur le placement des troupes soviétiques, collées sur la nouvelle frontière, assez curieux pour un pays qui allait être attaqué ! C'est une théorie qui ne disculpe personne, et surtout pas Hitler ...puisque le Führer avait décidé d'attaquer l'URSS dès Mein Kampf !
En même temps, les Allemands alignent plus de troupes de l'autre côté de la frontière, curieux qu'un pays démographiquement plus important s'apprête à attaquer en infériorité numérique! Les défenseurs de la théorie du brise-glace sont nombreux chez les nostalgiques du nazisme, je ne pense pas que cela soit anodin. Suvurov est d'ailleurs très proche de certains milieux anticommunistes, et il a très activement participé à la désinformation sur les capacités et les intentions soviétiques dans les années 80.
tietie007 a écrit:Par contre, que Masson ait recours à un romancier "historien", à ses heures perdues, qui parle quasiment de génocide à propos du traitement des prisonniers allemands dans les camps US, ça souligne bien que l'historien français était, ce qui n'est guère étonnant, assez antiaméricain et idéologiquement pas neutre du tout !
Antiaméricanisme? Pourquoi pas plutôt ce philogermanisme (pas philonazisme, entendons-nous bien) assez commun chez les gens d'ordre (même américains).
1°) Sur l'atonie de
Staline face à la menace allemande, elle est assez incompréhensible. Car les services de renseignement soviétiques était très performants, comme le reprécise Marc Ferro dans
Ils étaient 7 hommes en guerre, Perrin, 2007 et c'était le trop plein que le pas assez ! Les soviétiques étaient depuis longtemps au courant des préparatifs allemands par plusieurs canaux. L'espion
Sorge, qui travaillait en contact avec l'Ambassade allemande à
Tokyo reste l'annonciateur le plus connu, mais comme le précise
David E.Murphy, dans son livre
Ce que savait Staline, Stock, 2005, les américains, en mars 1941, par l'intermédiaire d'un attaché commercial de l'ambassade américain à
Berlin, un dénommé
Sam Woods, avait déjà découvert l'imminence de l'invasion et l'ambassadeur
Steinhardt, le 15 avril 1941, avait officiellement averti
Solomon A.Lozovski, adjoint au commissariat aux Affaires étrangères.
La clé de l'inertie stalinienne se trouve peut-être dans un article du magazine,
L’histoire, n°219, Mars 1998,
1941 : Comment Hitler a manipulé Staline, de
Gaël Moullec (
Maître de conférences à Science Po), p 22 - 23.
D'après cet article,
Staline aurait été intoxiqué par un agent allemand,
Orets Berlinks, infiltré au
NKGB aurpès d'
Amiak Z.Koboulov frère cadet de
Bogdan Z.Koboulov, adjoint de
Beria.
2°) La thèse de
Souvorov repose, entre autre, sur une assertion du
Petit Père des Peuples, faite le 5 mai 1941, lors d’une réception.
Staline y déclarait, en réponse un toast vantant une politique extérieure pacifique :
«
Jusqu’à maintenant notre de ligne de conduite se basait sur la défensive, alors que nos troupes n’étaient pas réarmées, ne disposaient pas de moyens de combat modernes. Mais aujourd’hui, quand notre armée a été modernisée (…), il convient de passer de la défense à l’attaque. », d'où l'interprétation d'attaque précoce prêtée à
Staline, notamment par
Souvorov.
Souvorov met l'accent, aussi, sur le positionnement assez offensif des troupes soviétiques, à la frontière, sur le démantèlement de l'ancienne ligne
Staline, et sur le gros des troupes blindées soviétiques en
Ukraine, prête à bondir sur les champs pétrolifères de
Roumanie. De même, l'attitude assez cassante d'un
Molotov lors de la rencontre avec
Hitler à
Berlin, en novembre 1940, peut signifier que les russes n'étaient pas le mouton tremblant devant l'ogre nazi !
Par contre, si je ne crois guère en cette thèse, ce n'est pas car
Souvorov serait anticommuniste ou proche d'une mouvance naziphile (
toujours cette croyance que l'histoire est instrumentalisée, chez vous ...), mais par ce que les éléments avancés par
Souvorov ne sont pas suffisants pour valider sa thèse.
Les faits, uniquement les faits, Carlo !3°) En ce qui concerne
Toukhachetski, il y a plusieurs thèse, que j'ai traitées, il me semble, dans un topic. La thèse de la manipulation par le SD allemand, la thèse de l'intoxication par le NKVD qui aurait manipulé le SD et
Benès, la thèse de
Annie Lacroix-Riz d'un vrai complot des officiers généraux de l'armée rouge contre
Staline, la thèse de
Soudoplatov, sur l'élimination par
Staline d'un
Toukhatchevski qui commençait à devenir un peu trop autonome. Personnellement, c'est cette dernière thèse qui me va.
Thouka avait vertement critiqué l'incompétence de
Vorochilov, alors
Commissaire à la Défense, crime de lèse-majesté dans une époque où la paranoïa allait bon train ! De plus, chez
Staline, c'est la loyauté plus que la compétence qu'il appréciait et le Maréchal lui apparaissait comme dangereux puisque capable d'esprit critique. D'ailleurs le militaire avait déjà été menacé au début des années 30, lors de l'affaire
Kakourine selon
Jean-Jacques Marie.
4°) J'ai déjà dit que
Masson devait être germanophile, mais certainement, aussi, antiaméricain. La deuxième assertion me paraît assez logique. Vous avez dit que
Masson était très à droite, or l'antiaméricanisme est né à l'extrême-droite, dès le livre de
Maurras en 1920,
Les Trois aspects du Président Wilson : la neutralité, l’intervention, l’armistice, qui est une attaque en règle de cette Amérique déracinée !
L'historien français ne ferait que s'inscrire dans le vieux fond antiaméricain de l'extrême-droite française. Je ne vois que cette explication pour expliquer cette référence au "révisionniste"
James Bacque.