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Neutralité Espagnole

Cette rubrique renferme tout ce qui concerne le front ouest du conflit, y compris la bataille des Ardennes ainsi que les sujets communs à tous les fronts tels, les enfants et les femmes dans la guerre, les services secrets, espionnage...
MODÉRATEUR: gherla

Neutralité Espagnole

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de Colombe  Nouveau message 01 Mai 2006, 18:19

Bonjour

Pas plus tard que cet après-midi, je me posais des questions sur :

- les causes et les limites éventuelles de la neutralité espagnole, me demandant comment et pourquoi l'Espagne avait pu rester en dehors de ce conflit
- les relations entre l'Espagne Franciste et les puissances de l'Axe pendant la guerre d'Espagne d'une part et ensuite, pendant la seconde guerre mondiale.
- la politique franciste vis à vis des personnes qui passaient la frontière et se réfugiaient en Espagne (juifs, résistants voulant se rendre à Londres, autres...).



Avant d'ouvrir ce nouveau fil j'ai fait 3 recherches avec les mots clefs suivants :

- Franco + Espagne
- Franco + Hitler
- Guerre d'Espagne

J'ai lu quelques infos et amorces de pistes certes très intéressantes mais dispersées et surtout assez succintes dans les fils :

- Gibraltar (section "Afrique du Nord")
- Espagne et Portugal (section "Guerre à l'Ouest")
- Guerre d'Espagne contrôle de non intervention (section "genèse de la guerre)
- La révolution espagnole (section "genèse de la guerre").



J'aimerais donc des précisions sur ces questions si vous en possédez.

Merci d'avance :)

Cécile


 

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Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de Loïc  Nouveau message 01 Mai 2006, 19:32

L'Espagne n'était pas "neutre" mais "non-belligérante" une nuance sémantique qu'il faut avoir à l'esprit, une Division entière a été envoyée sur le Front Russe,la Division Azul la "Division Bleue", en référence aux "Chemises Bleues" les Phalangistes.

Saludos
Loïc


 

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quelques précisions intéressantes

Nouveau message Post Numéro: 3  Nouveau message de Colombe  Nouveau message 01 Mai 2006, 20:04

Bonsoir Loïc

Précision sémantique effectivement importante... quant à la division Azul je connaissais bien sûr son existence mais pour moi il s'agissait de volontaires un peu comme les français de la division Charlemagne.

J'ai fait une rapide recherche sur Google et cette division était effectivement constituée de volontaires mais elle a été créée et envoyée à l'Est par Franco. J'y reviendrai dans un autre message.



J'ai trouvé des choses passionnantes sur le sujet qui me préoccupe, notamment ici :

http://www.derechos.org/nizkor/espana/doc/bonofr.html

Voici le texte dans son intégralité (c'est moi qui ait souligné certains passages en caractères gras). Pour la liste des signataires ou avoir les versions espagnoles et anglaises du texte, cliquer sur le lien.

@ +

Cécile



Déclaration rejetant la conduite de M. Le Ministre de la Défense, José Bono, face au défilé militaire du 12 octobre 2004.
--------------------------------------------------------------------------------

Le 8 octobre 2004, le Ministre de la Défense espagnol, José Bono, a rendu publique une information relative au défilé militaire du 12 octobre. Selon cette information, des forces armées françaises défileraient à Madrid en commémoration de la Libération de la Ville de Paris par la 2ème Division Blindée de Leclerc ; division dans laquelle a combattu un groupe de Républicains espagnols.

Le Ministre de la Défense, José Bono, a également annoncé que, dans ce défilé, participeraient deux vétérans espagnols : un membre de la Division Azul qui combattit aux côtés des troupes allemandes contre les soviétiques et un Républicain qui combattit dans la Division Leclerc.

Face à cette annonce, les associations signataires du présent communiqué déclarent :

1) Nous nous réjouissons que les Forces Armées espagnoles reconnaissent ceux qui ont lutté contre le nazisme et contre les pays de l'Axe.

2) Nous nous réjouissons de la reconnaissance publique de la participation des Républicains espagnols parmi les troupes qui ont libéré Paris comme ce fut le cas durant les actes officiels parisiens du 24 août dernier; bien qu'en ce moment historique, il ne reste plus que deux survivants de ces événements.

3) Nous attirons l'attention sur le fait que la Division Azul a combattu en tant que 250ème Division d'Infanterie de la Wehrmacht. Elle fut également connue en tant que "Division Hipomobile" et ultérieurement comme "Légion Azul" appartenant ainsi pleinement aux forces nazies que le Tribunal International de Nuremberg a déclaré responsables de crimes contre la paix, c'est à dire, un délit d'agression selon le droit international. Les crimes contre la paix sont les crimes les plus graves que l'on puisse trouver en droit international.

4) Que la résolution 32 (I) de l'Assemblée Générale des Nations Unies du 9 février 1946 dit explicitement que le régime franquiste « ayant été fondé avec l'appui des puissances de l'Axe, ne possède pas, en raison de ses origines, de sa nature, de ses antécédents et de son étroite association avec les Etats agresseurs, les titres nécessaires pour justifier son admission ».

5) Que la résolution 39 (I) de l'Assemblée Générale des Nations Unies du 12 décembre 1946 déclare textuellement que :

" a) Par son origine, sa nature, sa structure et con comportement général, le régime franquiste est un régime fasciste calqué sur l'Allemagne nazie de Hitler et l'Italie fasciste de Mussolini et institué en grande partie grâce à leur aide.

b) Au cours de la lutte prolonguée menée par les Nations Unies contre Hitler et Mussolini, Franco, en dépit des protestations réitérées des Alliés, a fourni une aide très importante aux puissances ennemies. Tout d'abord, par exemple, de 1941 à 1945, la Division bleue d'infanterie, la Légion espagnole des voluntaries et L'Escadrille Salvadore ont combattu contre la Russie soviétique sur le front de l'Europe orientale. En second lieu, en été 1940, l'Espagne a pris Tanger en violation du statut international de cette ville et, du fait qu'elle entretenait une armée dans le Maroc espagnol, elle immobilisait des effectifs considérables de troupes alliées en Afrique du Nord.

c) Des documents irréfutables établissent que Franco a été coupable , à côté de Hitler et de Mussolini, d'avoir fomenté la guerre contre les pays qui, au cours de la guerre mondiale, se sont finalement associés sous le nom de Nations Unies. Il a été prévu, dans le plan de cette conpiration, que la participation intégrale de Franco aux opérations de guerre serait différée jusqu'à un moment à déterminer d'un commun accord."

6) "Il n'est pas de réconciliation juste et durable sans que soit apportée une réponse effective au besoin de justice; le pardon, acte privé, suppose en tant que facteur de réconciliation que soit connu de la victime l'auteur des violations et que ce dernier ait été en mesure de manifester son repentir en effet, pour que le pardon puisse être accordé, il faut qu'il ait été demandé"

7) "La connaissance par un peuple de l'histoire de son oppression appartient à son patrimoine et, comme telle, doit être préservée par des mesures appropriées au nom du devoir de mémoire qui incombe à l'Etat. Ces mesures ont pour but de préserver de l'oubli la mémoire collective, notamment pour se prémunir contre le développement de thèses révisionnistes et négationnistes."

8) En tenant compte de ce que nous venons d'exprimer concernant la IIème Guerre Mondiale, nous sommes obligés de rappeler à M. Le Ministre que le coup d'Etat dirigé par le Général Francisco Franco s'est basé sur une atteinte à l'ordre constitutionnel, à l'ordre juridique en vigueur dont la légitimité provenait du principe de souveraineté reconnu dans la Constitution de la République. Dès le début des hostilités de la Seconde Guerre mondiale, le régime de Franco acquiert le statut de Puissance de l'Axe et son illégalité au niveau national le devient au niveau international.

9) Les espagnols qui ont lutté pour la liberté et la démocratie au sein des armées alliées se sont vu retirer leur nationalité, accusés par l'Etat fasciste d'avoir lutté dans des armées étrangères. Cette situation juridique perdure encore de nos jours.

10) Nous considérons comme un outrage et une humiliation pour les millions de victimes du national-socialisme exterminés dans les camps de concentration ainsi que pour tous les combattants de la Démocratie et de la Liberté qui s'affrontèrent aux pays de l'Axe parmi lesquels l'Espagne franquiste, le fait de les mettre à égalité, même symboliquement, avec les membres d'un mouvement criminel condamné par les Nations unies, par le droit international et par le droit des peuples.

11) Aussi, nous rejetons totalement, et de manière énergique, la conduite de M. Le Ministre de la Défense, José Bono; conduite que nous considérons comme impropre et contraire aux valeurs de démocratie, des libertés civiles et des droits de l'Homme.

Cette déclaration est rendue publique pour diffusion générale.

A Madrid, le 10 octobre 2004.


 

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Wikipedia

Nouveau message Post Numéro: 4  Nouveau message de Colombe  Nouveau message 01 Mai 2006, 20:19


Quelques infos issues de wikipedia. Tout d'abord le paragraphe sur la seconde guerre mondiale dans l'article consacré à "Franco" puis l'intégralité du court article "division bleue"

@ +

Cécile




http://fr.wikipedia.org/wiki/Franco

Durant la Seconde Guerre mondiale, l'Espagne reste officiellement neutre mais soutient l'Allemagne au début de la guerre : en juin 1941, Franco envoie une division sur le front de l'Est contre l'Union Soviétique (cette unité appelée la "Division Azul", ou Division Bleue, qui combat sur le front de Léningrad) ; en août de la même année, il autorise le régime nazi à recruter 100 000 ouvriers espagnols « volontaires » pour aller travailler en Allemagne ; les navires de guerre allemands peuvent se ravitailler et être réparés dans les ports espagnols ; les services secrets espagnols et allemands collaborent pour recueillir des renseignements sur les Alliés ; l'Espagne fournit le tungstène indispensable à l'industrie d'armement allemande.

Mais l'Espagne ne s'engagea pas finalement militairement aux côtés de l'Allemagne en octobre 1940 comme le souhaitait Ramón Serrano Súñer, ministre des affaires étrangères jusqu'en 1942 et beau-frère de Franco. Cette non intervention est due, comme le souligne Joseph Pérez, aux exigences trop élevées et irréalistes de Franco, comme la prise de possession des colonies françaises du bassin méditerranéen. Ces exigences irréalistes étaient elles-voulues ? Pour Joseph Pérez, elles ne résultent pas d'un quelconque calcul : la volonté de Franco de s'impliquer est réelle. Pour Bartolomé Bennassar, Franco gagnait du temps et laissait se faire les luttes d'influence au sein de son gouvernement. Il n'avait pas non plus les moyens d'engager l'armée au côté de l'Allemagne alors que le pays était en pleine répression.

A son retour d'Hendaye où il a rencontré Franco, Hitler exprime son mépris pour le personnage (qui l'a fait attendre d'ailleurs en gare). De plus, Hitler ne voulait pas mécontenter le Maréchal Pétain, dirigeant d'un pays aux richesses abondantes, pour obtenir le maigre appui d'une Espagne exsangue. Si Franco semble avoir été aussi sensible à la théorie du « complot judéo-maçonnique », de nombreux juifs passeront cependant la frontière pyrénéenne pour se réfugier en Espagne, avant, pour certains, de gagner d'autres pays. Ainsi Franco aurait évité la déportation de 60 000 juifs, descendants de ceux expulsés en 1492 par les Rois catholiques, en s'interposant auprès de Hitler. Ils furent reconnus comme citoyens espagnols et autorisés à retourner en Espagne.

Devant les pressions américaines (les États-Unis fournissent le pétrole à l'Espagne), les problèmes économiques soulevés par l'autarcie sur laquelle essaie de s'appuyer le régime et la résistance victorieuse de la Grande-Bretagne, Franco reste en retrait et abandonne peu à peu son soutien aux forces de l'Axe à partir de l'été 1943. Son meilleur allié est à l'époque Antonio de Oliveira Salazar, bien que les relations personnelles entre les deux hommes soient tendues mais le dictateur Salazar est soutenu par les Britanniques.

À la fin de la guerre, le régime est très fragile : la situation économique, laissé par la Guerre est désastreuse. L' autorité de Franco est condamnée quasi unanimement par la communauté internationale. Cependant, dès 1945, les britanniques épargnent et soutiennent indirectement le régime franquiste contre les français qui soutiennent l'isolement de l'Espagne (isolement approuvé lors de la conférence de Postdam). A partir du discours sur le rideau de fer, l'Espagne va apparaître vite comme un rempart contre le communisme aux yeux des anglo-saxons et les rapports se détendent. Le régime reprend contact avec les Britanniques et les américains via son ambassade au Portugal et postule à l'OTAN au début des années 50. Franco autorise les États-Unis à implanter 4 bases sur le territoire espagnol en septembre 1953 (traité hispano-américain).

*******************************************************

http://fr.wikipedia.org/wiki/Division_B ... ondiale%29

La Division bleue est un corps de 18 000 volontaires fascistes espagnols (auxquels se sont joints quelques centaines de Portugais) créé à la fin du mois de juin 1941 par le général Francisco Franco et mis à disposition de l'Allemagne nazie, qui devait les équiper, pour combattre sur le front de l'Est. La Division était ainsi appelée à cause de la couleur des chemises portées par ses membres.

Voyant venir la défaite de l'Axe, Franco retira la Division bleue du front le 26 septembre 1943, mais permit à ceux qui le souhaitaient de s'engager dans les SS.

Récupérée de « http://fr.wikipedia.org/wiki/Division_B ... ondiale%29 »
[/b]


 

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oui

Nouveau message Post Numéro: 5  Nouveau message de juin1944  Nouveau message 01 Mai 2006, 21:19

a noter aussi que les réfugiés Français étaient systématiquement arrêtés en territoire Espagnol et internés dans des camps, tel celui de Miranda par lequel passèrent bon nombre de Français Libres.

Le vétéran dont parle ton article , celui de la 2ème DB a servi au sein de la 9ème compagnie du Regiment de marche du Tchad, commandée par le capitaine Raymond Dronne, plus connue sous le nom de la "nueve", elle ne regroupait que des combattants espagnols.


 

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Nouveau message Post Numéro: 6  Nouveau message de dynamo  Nouveau message 01 Mai 2006, 23:04

Bonjour,

Aprés sa guerre civile, l'Espagne est dans une situation économique difficile.
La situation politique de Franco est difficile également, son pouvoir (et pour cause) est mal accepté par certaines couches de la population et dans plusieurs provinces espagnoles.
Son autorité est remise en cause par plusieurs de ses généraux, l'accusant de favoriser la Phalange dirigée par son beau-frère Serrano Suner.

La stratégie espagnole de 1940 repose sur la "non belligérance",
notion adoptée par l'Italie fasciste afin de ne pas engager le conflit avec les franco Britanniques en 39 tout en restant l'alliée de l'Allemagne.

En juin 40, l'Espagne se déclare "non belligérant" et comme l'Italie, attend le moment où le pays voisin succombe afin de participer à la curée.

Dans cette manoeuvre l'Espagne vise l'Angleterre et attend le moment propice pour reprendre Gibraltar.
Franco pouvait ainsi verrouiller la Méditerranée (il occupe déjà Tanger) et prendre possession lors des pourparlers de paix des territoires français de l'Afrique du nord.

Hitler se méfie de la stratégie espagnole et craint que les menaces de Franco sur l'ANF fassent basculer celle ci dans le camp anglo-Gaulliste et provoque un revirement de Vichy. Déjà l'Italie fait une crise de jalousie.

L'Angleterre continue la guerre, l'Espagne reste à l'écart du conflit et finalement Hitler s'occupe du seul objectif qui l'intéresse : la guerre à l'Est.

Je pense d'ailleurs (cela n'engage que moi) qu'Hitler se fout complétement des Ibères, et de Franco. :roll:
et que cette alliance aurait couté aux Allemands plus cher en bougies qu'en gâteau. :wink:

Cordialement.

Dynamo.
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Re: oui

Nouveau message Post Numéro: 7  Nouveau message de Colombe  Nouveau message 02 Mai 2006, 07:47

juin1944 a écrit:a noter aussi que les réfugiés Français étaient systématiquement arrêtés en territoire Espagnol et internés dans des camps, tel celui de Miranda par lequel passèrent bon nombre de Français Libres.


Que devenaient-ils ?

Cécile


 

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Nouveau message Post Numéro: 8  Nouveau message de Laurent Pépé  Nouveau message 02 Mai 2006, 08:11

Si la plupart des réfugiés furent internés en Espagne, certains furent aussi remis entre les mains de la police de Vichy, ou au pire de celles de la Gestapo.


En 1943 (je crois), l'Espagne consentie a liberer les captifs en echange de cereales (et il faut le dire, seulement quand le sort de la guerre semblat tourner en faveur des alliés)


 

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camp Miranda

Nouveau message Post Numéro: 9  Nouveau message de Colombe  Nouveau message 02 Mai 2006, 08:29

Bonjour

La plupart du temps, après avoir posé une question ici, j'en profite pour chercher des éléments de réponse via Google. Je viens de trouver ce long témoignage personnel qui semble passionnant (mais je n'ai lu que le chapître 3 sur la traversée de l'Espagne).

http://www.lapasserelle.com/henri_caban ... ee_fr.html

Odyssée de Henri Cabannes, 1943-1945
I. L'évasion de France par l'Espagne
1. La préparation du départ
2. La traversée des Pyrénées
3. La traversée de l'Espagne
4. Le départ pour le Maroc

II. L'engagement dans l'Armée de l'Air
5. Casablanca et Alger
6. Marrakech
7. Grande-Bretagne




En voici quelques extraits :

3. La traversée de l'Espagne

(...) Nous faisions partie, mais nous ne le savions pas encore, des 23000 français qui ont réussi l'évasion de France par l'Espagne. (...) sur l'autre versant de la vallée, des gardes civils espagnols attendaient les jeunes français, qui, à cette époque, passaient plusieurs fois par semaine par les différents cols très haut placés. (...)

Les gardes civils nous ont ensuite enfermés pour la nuit dans leur bâtiment, très modeste, et nous ont dit que dans quelques jours ils nous conduiraient à la ville la plus proche pour que nous rencontrions le consul ! (...) Dans la journée ils nous laissaient libres et les paysans du village de Plan nous donnaient à manger ; ils semblaient être eux-mêmes très pauvres. (...) Cette ville, que nous ignorions, était la ville de Barbastro, située à 106 kilomètres. (...)

(...) Il semble que pour ces espagnols, qui nous ont nourris pendant plusieurs jours, nous étions des héros. Peut-être se disaient-ils qu'en allant combattre contre l'Allemagne, nous hâterions aussi la fin de Franco, ce qui était probablement un de leurs souhaits. Finalement nous sommes arrivés à Barbastro vers 20 heures et nos gardes nous ont conduits dans un bâtiment, ancien monastère, où nous sommes entrés avec eux. La porte une fois refermée, nous avons réalisé que nous n'étions pas chez le consul, mais en prison ! (...) Ensuite on nous a emmenés dans une grande salle, où se trouvaient déjà environ soixante-dix français, depuis combien de temps ? (...) Nos codétenus nous ont demandé des nouvelles de la France et de la guerre ; d'après les questions, qui nous étaient posées, nous avons pensé qu'ils étaient là depuis au moins six mois ! ce qui nous a terriblement découragés. Après quelques échanges, et voyant notre découragement, ils se sont mis à rire, car, à l'époque, à la prison de Barbastro, la durée du séjour était d'environ un mois ; à chaque nouvel arrivage était réservée la même plaisanterie(...). Régulièrement arrivaient dans la prison d'autres français qui venaient de franchir la frontière. (...)
Régulièrement, le directeur de la prison venait lire la liste de ceux qui quittaient Barbastro ; au bout d'un mois, Fontanet, Baylé et moi avons figuré sur la liste des partants. (...) jusqu'à Saragosse. (...) à la prison. Il s'agissait d'une prison très moderne, où nous fûmes enfermés, par groupes de quinze environ dans une pièce de dix mètres carrés ; il y avait dans un coin un robinet d'eau et un trou faisant office de cabinet ! (...) Cet enfer dura trois jours, au bout desquels nous partîmes de nouveau comme nous étions venus, en train, pour le camp de concentration de Miranda.

Le camp de Miranda, après le purgatoire de Barbastro et l'enfer de Saragosse, nous a paru le paradis. Le camp avait été construit par Franco, au moment de la guerre civile, sur les conseils judicieux de Hitler ; il pouvait contenir et a contenu plusieurs milliers de prisonniers. Il était constitué de nombreuses baraques en bois, bien alignées ; 120 à 130 personnes logeaient dans chaque baraque. Le camp est gardé et organisé par les militaires. C'est un camp classique avec murs, barbelés et miradors. Il est commandé par un colonel qui semblait n'avoir aucun sentiment francophobe. Toutefois, la brutale réalité concentrationnaire faisait son apparition, en particulier avec la distribution du matériel : gamelle répugnante de saleté, cuillère, paillasse et couverture en lambeaux respirant la vermine. Chaque baraque est partagée par un couloir central de part et d'autre duquel s'alignent sur deux étages des petites «pièces» dont l'espace est limité par des «parois» constituées de vieilles couvertures. Une unique ampoule fournissait une faible lueur au couloir. (...) Naturellement la vie à Miranda était rude et l'hygiène déplorable ; Miranda est situé sur l'Èbre, à 80 kilomètres au sud de Bilbao, à 460 mètres d'altitude, et nous étions au mois de décembre.

Cependant, à l'intérieur du camp nous étions libres et nous pouvions nous promener toute la journée. Tous les 15 jours, des listes de plusieurs centaines de personnes, peut-être mille, partant le lendemain pour la liberté, étaient affichées. Le 24 décembre 1943, Fontanet, Baylé et moi figurions sur la liste des départs du lendemain. Le 25 décembre, nous franchissions la porte du camp de Miranda et devenions des hommes libres en Espagne.


 

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Nouveau message Post Numéro: 10  Nouveau message de Colombe  Nouveau message 02 Mai 2006, 08:46

Je viens de donner l'adresse d'un site consacré aux polytechniciens dans la résistance dans la section "Web" du forum. Voici une partie de ce qu'on peut lire dans la partie "résistance extérieure" de ce site. Les durées indicatives d'incarcération données diffèrent sensiblement de celles indiquées dans le témoignage précédent (venant également d'un X).

Cécile




http://x-resistance.polytechnique.org/evad.html

Les évadés de France

De juillet 1940 à la Libération il devient toujours plus difficile de rejoindre les armées alliées, surtout après l’occupation de la zone sud par les Allemands en novembre 1942. La frontière suisse étant de fait hermétique, restent les voies aériennes ou maritimes, et surtout le passage par l’Espagne.

Quelques bateaux de pêche traversent la Manche : on connaît le ralliement de tous les pêcheurs de l’île de Sein à la France Libre. (...) Certains s’évadent comme passagers clandestins de cargos (...) pour rejoindre Gibraltar en partant de Casablanca.
En fait, plus de 90 % des évadés de France, de fin 1940 au débarquement de Normandie, ont traversé la frontière espagnole : environ 8 500 avant la mi-novembre 1942 ; 20 000 en 1943 (l’année du S.T.O.) ; et quelques milliers en 1944. Au total, 35 000 évadés sur 100 000 tentatives. Evadés de toutes origines, frontaliers, prisonniers en fuite, résistants recherchés, aviateurs alliés,… Les conditions de passage sont des plus variées, en fonction de la saison et de l’importance de la surveillance. La “traversée” peut durer plusieurs jours, n’intéresser que des individus ou des groupes importants à l’initiative de réseaux de la Résistance s’appuyant sur des passeurs bénévoles ou non. Bien qu’alors le ravitaillement de l’Espagne ait en partie dépendu des Anglo-Saxons, et que Franco ait tenu de plus en plus compte de la probable victoire alliée, le nombre des refoulements est loin d’être négligeable : 1 900 évadés sont remis à Vichy, qui les condamne ; 2 000 sont capturés ou livrés aux Allemands, qui les déportent (la 19ème armée allemande a dû être déployée pour couvrir les 400 km de frontière).

Les évadés capturés “mobilisables” - de 20 à 40 ans - sont détenus entre un an et dix-huit mois en prison et/ou au camp de Miranda del Ebro, puis acheminés, dans un premier temps sur le Portugal, ensuite sur Casablanca.

Environ 23 000 hommes s’engagent dans les Forces Françaises Libres puis Combattantes :
> 10 000 dans la 1ère Armée
> 6 500 dans la 2ème Division Blindée
> 6 500 dans l’aviation, la marine, les commandos, les parachutistes…
Sur ce nombre, environ 6 000 sont morts dans les combats d’Afrique, d’Italie, de France et d’Allemagne.


 

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