Post Numéro: 44 de François Delpla 30 Jan 2011, 07:34
L'histoire est la plus artistique des sciences. Il y a, dans le moindre événement impliquant plusieurs être humains, tellement à dire et à connaître qu'il faut trier, choisir un point de vue.
S'agissant du jeu, dans une guerre mondiale, du chef civil et militaire qui l'a le plus voulue et préparée, il me semble que l'historien ne doit jamais rien écrire sans se demander ce qu'il a en tête. Et jamais lui attribuer d'échec sans s'interroger les chances qu'aurait eues un meilleur chef d'obtenir un succès plus grand.
De ce point de vue, l'armistice du 22 juin 40 est une performance absolue. La troisième puissance mondiale dispose de la quatrième sans limite de temps tout en faisant l'économie d'une occupation totale, ce qui laisse à ses habitants dans une zone "libre" (la plus anémique et rurale) une illusion de souveraineté, notamment sur un empire colonial inviolé par le vainqueur provisoire. Mais cet armistice dit lui-même en toutes lettres, et qu'il sera interprété chaque jour à Wiesbaden par une commission allemande, et qu'il est révocable à tout moment si l'Allemagne estime que la France ne remplit pas correctement ses engagements.
A Wiesbaden comme, à Paris, dans le bureau d'Abetz, il est question très souvent de la situation coloniale et Berlin exprime des désirs qui pour Vichy sont des ordres, dans l'immense majorité des cas. Et même quand Vichy proteste, menace de ne pas obéir, voire désobéit pendant quelque temps (l''exemple le plus connu étant le limogeage de Weygand, qui prend un an), c'est là pour Berlin un laboratoire, permettant de mesurer au plus juste la soumission du cobaye.