Post Numéro: 10 de Prosper Vandenbroucke 08 Juil 2015, 13:37
Bonjour Olivier,
Le texte ci-dessous est paru dans l'Histomag n°36 de juin 2006
SADZOT, UNE PETITE BATAILLE MÉCONNUE, DANS LA GRANDE BATAILLE DES ARDENNES.
Hiver 1944 : Alors que l'année s’achève, Les allemands ont contre attaqué dans un dernier sursaut. la 6ème Panzerarmee de Sepp Dietrich fait un dernier effort pour briser les défenses américaines entre la Salm et l’Ourthe. La bataille que nous allons évoquer eut lieu au hameau de Sadzot ( si petit qu’il n’apparaît même pas sur les cartes belges ) et alentours. Sadzot repose près d'un petit cours d'eau à 350 mètres au sud de Briscol, un village sur la route principale entre Grandménil et Erezée. L’engagement à Sadzot fut conduit par des escouades et pelotons et peut à juste titre être appelé une « bataille de soldats » ; aussi les GI's ont-ils inventé une expression qui la détermine tout
aussi bien: «L’affaire Sad Sack» La dénomination « Sad Sack », en jargon militaire américain, équivaut au « bidasse », au « poilu » ou encore au « troufion » de la terminologie argotique française. En somme « Sad Sack » et GI sont quasiment synonymes.**
Ayant abandonné le combat pour Manhay et Grandménil, la 2ème Panzer SS Das Reich commença à morceler ses troupes. Certaines restèrent pour couvrir le déploiement de la 9ème Panzer SS Hohenstauffen qui étendait sa position en face de la 82ème aéroportée US pour reprendre ce qui avait été le secteur de la 2ème Panzer SS. D'autres unités virèrent à l’ouest pour se joindre à la 12ème Panzer SS Hitlerjugend qui se présentait dans ce qui était supposé être une attaque majeure pour traverser la route de Trois-Ponts à Hotton à proximité d’Erezée et reprendre de l’élan pour la poussée vers le nord-ouest. Cependant, les forces réellement disponibles au 2èmeCorps Panzer SS étaient de nouveau considérablement moins importantes que prévu. La marche vers l’ouest par la 12ème Panzer SS avait pris énormément de temps. Le 27 décembre, date fixée par le commandement de l’armée pour la nouvelle offensive, la 12ème Panzer SS ne disposait que du 25ème Panzergrenadier regiment , dont la plus grosse partie était déjà en ligne
face à la 3ème division blindée américaine Spearhead . La contribution de la 2ème Panzer SS était donc limitée : son bataillon de reconnaissance, un bataillon de canons mobiles et deux compagnies de fusiliers, un détachement spécial commandé par le major Krag qui avait fait tant de dégâts à Salmchâteau. L’heure de l’attaque était fixée à minuit.
Le 27, les lignes du commandement du général Hickey avaient été réorganisées. Dans le processus, le 1er Bataillon du 289ème d’infanterie avait fusionné avec le Détachement special Orr sur l’Aisne tandis que le 2ème Bataillon s’étant finalement repris, continuait la ligne de la 3ème blindée à travers les bois au sud-ouest de Grandménil. Ignoré à ce moment-là, le trou de 900 mètres s’était amplifié au sud de Sadzot et Briscol entre ces deux bataillons
A l’heure zéro, la force d’assaut allemande s’avança au travers les bois touffus; la nuit était noire, le terrain inhospitalier, abrupte et sans chemin. Les grenadiers progressèrent au mieux , mais la radio ne fonctionnait pas dans ces bois denses et une partie des assaillants allait s’ égarer. Au moins deux compagnies du 25ème PanzergrenadierRegiment réussirent à trouver leur chemin dans le trou entre les deux bataillons du 289ème et suivirent le ruisseau dans Sadzot, où elles frappèrent environ deux heures après le début de l’attaque. Le cours de la bataille aux premières heures de la matinée du 28 décembre est extrêmement confus. Le premier rapport de l'apparition allemande à Sadzotest relayé à des Q.G. supérieurs à 2 heures par des observateurs de l’artillerie appartenant au 54ème Bataillon d’artillerie blindée de campagne, dont les obusiers étaient en place au nord du hameau ( à Clerheid, village au nord de la route Hotton - Erezée - Manhay )
Les deux bataillons de fusiliers américains, interrogés, ne signalèrent aucune trace d’ennemi. A l’intérieur de Sadzot bivouaquèrent la compagnie C du 87ème Bataillon chimique et un peloton de chasseurs de chars; ces troupes se remirent bien vite de leur surprise et établirent une forte ligne de résistance sur le côté nord du hameau. Le général Hickey alerta immédiatement le 509ème Bataillon d’infanterie parachutiste (parachuté en Provence en août 1944) près d’Erezée pour envelopper Sadzot de l’ouest et de l’est, mais les parachutistes s’étaient à peine déployés qu’ils se heurtèrent au Kampfgruppe Krag. Cet engagement dans l’obscurité se déroula dans la plus totale confusion . toute communication radio était impossible, les Allemands tirèrent aux mortier sur leurs propres pelotons et le combat fut mené dans chaque camp par de petits détachements qui tiraient sans discernement !! Quand l’aube se leva, les parachutistes obtinrent le soutien de l’artillerie et se portèrent en avant. A 11 heures, le 509ème PIR avait refermé le
piège sur les Allemands à l’intérieur de Sadzot. Il restait à resserrer les lignes entre les deux bataillons du 289ème Le 28 au soir, le général Hickey injecta le 2ème bataillon du 112ème d’infanterie, mais cette équipe, dépêchée dans la hâte de la bataille, perdit son chemin et ne réussit pas à colmater la brèche. Dès les premières heures du 29 décembre 1944, Hickey croyant que le 112ème avait assuré la ligne de départ, envoya le 509ème et 6 chars légers attaquer vers le sud-est. Mais l’ennemi s'était réorganisé dans l’entre-temps. Il s'agissait probablement d'un bataillon de renfort , et il entama une nouvelle marche sur Sadzot. Dans l'affrontement qui suivit, une section de canons antichars allemands détruisit 3 chars légers et les parachutistes reculèrent, sans pour autant que les allemands n'exploitent leur percée. Pendant la matinée, le 2ème Bataillon du 112ème d’infanterie, retrouva sa route, - c’est du moins ce que l’on crut- , et se remit en route pour établir un obstacle en travers du corridor à partir de l’ouest, où le contact était fermement établi avec le 1er Bataillon du 289ème .
Des troupes américaines furent aperçues au-delà des ravins et des collines raboteuses; les prenant pour le 2ème bataillon, les troupes du 112ème virèrent dans leur direction. En fait, c'étaient les parachutistes du 509ème PIR. Hickey et les commandants de bataillon concernés mirent sur pied une attaque coordonnée. Tout d’abord, les parachutistes lancèrent un assaut au crépuscule et parvinrent à repousser les Allemands. Ensuite, le 2ème Bataillon du 112ème entrepris une attaque de nuit à feu roulant, se guidant cette fois grâce aux obus éclairants tirés par le 2ème bataillon du 289ème. Coupant à travers des ravins escarpés, l’infanterie du 112ème poussa l’ennemi hors deson chemin.
Le 29 à l’aube, la brèche était enfin colmatée. L’incapacité allemande à pénétrer dans le segment d’Erezée les 28 et 29 décembre était la dernière tentative sérieuse dans l'espoir d'un renversement de la situation. Ce jour-là, le Generalfeldmarchal Model demanda à Dietrich de passer à la défensive, ce qui eut pour effet de dégarnir la 6ème Armée de son potentiel blindé. Les commandants allemands qui restaient face aux VIIème. et XVIIIème corps aéroportés à l’est de l'Ourthe lancent plusieurs attaques successives ordonnées entre le 29 décembre et le 2 janvier.
Mais demander à ces unités épuisées d’attaquer une fois encore alors que chacun savait que la grande offensive du führer était un échec dépassait ce qui était à leur portée : les portes du grand Reich s'ouvraient maintenant aux alliés.
Quatre mois plus tard, les soviétiques entraient dans Berlin.
(Source: La Grande bataille des Ardennes par Huch M.Cole)