Avant l'été 1940 l'idée d'Hitler était simple : terminer la guerre à l'ouest pour se préparer à la prochaine croisade contre la Russie bolchévique. Un compromis entre la GB et l'Allemagne, au lendemain de l'effondrement de la France, serait le moyen le plus simple de terminer la guerre à l'ouest.
Le 13 juillet 1940 Franz Halder note dans son journal : « Hitler est très perplexe face au refus obstiné de la Grande-Bretagne de faire la paix. Il se l'explique (comme nous) par l'espoir que place la Grande-Bretagne dans la Russie et compte donc la contraindre par la force brute à accepter la paix. »
Comme le montre Ian Kershaw, la décision britannique de poursuivre le combat met Hitler dans l'embarras.
La décision britannique de poursuivre le combat signifiait que Hitler n'était pas à même de mettre fin à la guerre à l'ouest. Cela amplifia considérablement son énorme pari. Il lui faudrait maintenant envisager d'attaquer l'Union soviétique — l'ennemi juré sur le plan idéologique — dans la guerre jurée qu'il avait toujours voulu mener pour l'« espace vital », et détruire le « judéobolchévisme » alors que la guerre de l'ouest était inachevée. [...] La décision britannique de rester en guerre imposait donc à Hitler un nouveau sentiment d'urgence. Si le gouvernement britannique ne voulait pas d'accommodement, il ne voyait que deux options : infliger une défait militaire à la Grande-Bretagne, ou la forcer à reconnaître la suprématie allemande sur le continent en écrasant l'Union soviétique dans une défaite rapide, avec pour effet ultime de tenir les Américains à l'écart des hostilités.
Source : Kershaw, 2009, p. 94
« La Russie écrasée, le dernier espoir de la Grande-Bretagne serait anéanti. L'Allemagne dominera l'Europe et les Balkans. Décision : la destruction de la Russie doit donc faire partie de ce combat. Printemps 1941 [...]. Si nous commençons en mai 1941, nous aurons cinq mois pour achever le travail. » C'est par ces phrases étonnantes qu'Adolf Hitler annonça à ses généraux, réunis le 31 juillet 1940 dans sa retraite alpine du Berghof, au dessus de Berchtesgaden, son choix le plus fatidique de la Seconde Guerre mondiale.
Source : Kershaw, 2009, p. 95
La décision britannique de rester en guerre imposait à Hitler un nouveau sentiment d'urgence. D'où la "perplexité" dont parle Halder. Il est évident que Hitler aurait aimé une paix de compromis avec la Grande-Bretagne. Quant à l'admiration de Hitler pour l'Angleterre et le peuple anglais, elle n'est pas un mythe.
Cette admiration pour l'Angleterre est commune à tous les dirigeants allemands [depuis la fin du 19è siècle], même s'ils veulent lui faire la guerre. Cependant, en 1914 les Allemands espéraient que l'Angleterre n'entrerait pas en guerre. En 1940, après la bataille de Dunkerque, Hitler a cru qu'il pourrait faire la paix avec elle, mais Churchill s'est opposé à cette hypothèse. Il incarne bien cette puissance qu'Hitler admire et redoute à la fois.
Source : Ferro, 2011, p. 89
Ian KERSHAW, choix fatidiques, Éditions du Seuil (trad. fr.), 2009
Marc FERRO, “Le seigneur de guerre”, in Pierre ASSOULINE (dir.), A la recherche de Winston Churchill, Perrin, 2011, pp. 71-103.