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Re: Speer et la terre brûlée

Nouveau messagePosté: 04 Jan 2013, 19:41
de Puyol
Au yeux d'Albert Speer, qui se tenait à quelques pas de là, cette séparation apparut comme le symbole de la fin imminente du IIIe Reich.
Une fin imminente et prévisible ! Speer comprenait depuis longtemps que la fin était toute proche. Le Reich était en voie de désagrégation.



François Delpla a écrit:Concernant la terre brûlée, l'essentiel est ici :
(...)
Kershaw admet (...) que Hitler peut avoir sciemment laissé Speer saboter son ordre de "terre brûlée" :

"Fin mars, non sans mal, Speer était parvenu à convaincre Hitler -qui savait que son ministre des Armements sabotait son ordre- de lui accorder la responsabilité générale de toutes les mesures de destruction. (...) Autrement dit, Hitler le savait, tout serait fait pour éviter la destruction qu’il avait ordonnée." (t. 2, p. 1123)

Si ce passage ne m’avait pas frappé lors de ma lecture de l’ouvrage, c’est qu’il faut le chercher à la loupe dans un ensemble qui le contredit largement.

Et Kershaw n’esquisse pas la moindre explication. Il se borne au constat que la non-exécution de cet ordre est un signe, et le premier (le seul ? ? ?), que l’autorité de Hitler commence à décliner

Il ne fait aucun doute que l’autorité de Hitler commençait à décliner. Le témoignage de Goebbels, en mars 1945, me semble révélateur de la désagrégation du Reich.

Re: Speer et la terre brûlée

Nouveau messagePosté: 04 Jan 2013, 20:14
de François Delpla
Quand commenceras-tu à débattre au lieu de répéter des poncifs sur lesquels tout le monde est d'accord ?

Re: Speer et la terre brûlée

Nouveau messagePosté: 06 Jan 2013, 13:17
de Prosper Vandenbroucke
Bonjour,
Je viens de lire dans le livre de R.C. von Gersdorff "Tuer Hitler" à la page 236 ce qui suit:

A cette époque (octobre 1944), Albert Speer nous rendait souvent visite lorsqu'il allait voir les usines d'armement qui produisaient encore dans la région d'Eschweiler, tout près du front. Au cours de longues conversations durant lesquelles il parlait très librement, il apparut évident qu'il s'était libéré de l'influence d'Hitler. Sa principale préoccupation était d'empêcher la mise en oeuvre de « la politique de la terre brûlée» ordonnée par Hitler qui aurait abouti à une destruction durable de toutes les infrastructures et de toute l'industrie allemande. Speer cherchait le soutien de l'armée, qui lui était complètement acquise


Que peut-on en déduire? C'est peut-être un peu rapide comme déduction, mais bon.

Si l'armée savait, et si celle-ci était complètement d'accord avec les dires de Speer, Hitler ne pouvait pas, ne pas être au courant de la non exécution de ses ordres par Albert Speer.
Amicalement et bon dimanche
Prosper ;)

Re: Speer et la terre brûlée

Nouveau messagePosté: 06 Jan 2013, 13:52
de JARDIN DAVID
Effectivement cela pose la question de savoir ce que savait exactement HITLER de la situation, s'il vivait plus ou moins dans une bulle etc. "Notre" François nous expliquera certainement qu'il n'en était rien et que jusqu'au bout -et même un peu après sa mort- il a continué à tirer les ficelles.
Personnellement, sans nier ses talents hors pair de manipulateur, j'ai tout de même l'impression que les dernières années ont vu à la fois une progression généralisée de la violence (cf le bouquin de KERSHAW) mais aussi une prise en compte prudente par l'entourage de la folie du Führer. Que faire au voisinage d'un fou qui semblait amener l'Allemagne vers l'abîme ? C'était le dilemme des moins fanatiques et/ou des plus réalistes.
JD

Re: Speer et la terre brûlée

Nouveau messagePosté: 06 Jan 2013, 16:08
de François Delpla
JARDIN DAVID a écrit:Effectivement cela pose la question de savoir ce que savait exactement HITLER de la situation, s'il vivait plus ou moins dans une bulle etc. "Notre" François nous expliquera certainement qu'il n'en était rien et que jusqu'au bout -et même un peu après sa mort- il a continué à tirer les ficelles.
Personnellement, sans nier ses talents hors pair de manipulateur, j'ai tout de même l'impression que les dernières années on vu à la fois une progression généralisée de la violence (cf le bouquin de KERSHAW) mais aussi une prise en compte prudente par l'entourage de la folie du Führer. Que faire au voisinage d'un fou qui semblait amener l'Allemagne vers l'abîme ? C'était le dilemme des moins fanatiques et/ou des plus réalistes.
JD


tout cela est bel et bon, mais il y a des documents (entre beaucoup d'autres, celui que j'ai exhumé sur la radio anglaise "balançant" la non-exécution de l'ordre par Speer) et ils permettent de trancher très clairement la question : il suffit (comme toujours en histoire) de s'y plonger sans privilégier ceux qui confortent le récit traditionnel et intéressé des lendemains du conflit.

De même il ne faut pas isoler dans le livre de Kershaw les propos sur la violence croissante en négligeant ceux qui montrent le Führer führant jusqu'au bout (même s'il loupe comme je l'ai dit ses pages sur la terre brûlée, régressives même par rapport à sa biographie).

Tout ça est à voir au cas par cas, en envoyant paître les vaches sacrées.

Re: Speer et la terre brûlée

Nouveau messagePosté: 06 Jan 2013, 18:18
de JARDIN DAVID
Yes !
La démonstration de KERSHAW sur la violence croissante montre un tableau d'ensemble qui, finalement, ne nous étonne pas trop. La difficulté, pour tarir les vaches sacrées, est d'arriver à déterminer ce dont disposait effectivement le Führeteur dont nous parlons. Ce n'est pas si évident. Entre "je sais tout" (il n'était tout de même pas sur Tweeter) et la "tour d'ivoire" se situe la vérité ...
JD

Re: Speer et la terre brûlée

Nouveau messagePosté: 06 Jan 2013, 18:31
de Puyol
François Delpla a écrit:C'est un des préjugés les mieux enracinés que de voir en lui un zombie perdu dans ses rêves, terrorisant son entourage et n'écoutant plus les mauvaises nouvelles. Tout de même, l'historiographie évolue et la production "grand public" aussi, témoin le film La Chute (conseillé par Joachim Fest) qui charrie encore certains de ces préjugés mais montre au moins un dictateur tenant bien en main et son monde, et son esprit.

Le scénariste du film, Bernd Eichinger, ne semble pas comprendre que l’autorité de Hitler avait décliné en 1945. Il aurait dû lire le livre de Kershaw et le "journal" de Goebbels.
Hitler n'est pas ce dictateur tenant bien en main et son monde, et son esprit.

Re: Speer et la terre brûlée

Nouveau messagePosté: 06 Jan 2013, 18:56
de Puyol
François Delpla a écrit:(...) il y a des documents (entre beaucoup d'autres, celui que j'ai exhumé sur la radio anglaise "balançant" la non-exécution de l'ordre par Speer)

Ces documents ne prouvent pas que Hitler était opposé à la politique de terre brûlée.

Re: Speer et la terre brûlée

Nouveau messagePosté: 06 Jan 2013, 20:07
de François Delpla
Tu te prépares sans doute à les analyser pour étayer ton point de vue ?

Re: Speer et la terre brûlée

Nouveau messagePosté: 07 Jan 2013, 11:38
de François Delpla
Puyol a écrit:Le scénariste du film, Bernd Eichinger, ne semble pas comprendre que l’autorité de Hitler avait décliné en 1945. Il aurait dû lire le livre de Kershaw et le "journal" de Goebbels.


Et toi, tu es sûr d'avoir lu Kershaw ?

p. 434 (339 de l'édition anglaise de poche; je revois légèrement la traduction de Dauzat), sur la fameuse colère du 22 avril après la non-exécution d'un ordre d'offensive :

Pour la première fois, Hitler admit ouvertement que la guerre était perdue. Il confia à son entourage atterré qu'il était décidé à rester à Berlin et à se donner la mort au dernier moment. Il sembla se démettre du pouvoir et des responsabilités, lorsqu'il dit qu'il n'avait plus d'ordres à donner à l'armée. Il laissa même entendre que Göring pourrait avoir à négocier avec l'ennemi. Puis, de manière étonnante, il se ressaisit, refusa d'abandonner une once de son autorité et afficha comme toujours un inébranlable optimisme lors de la réunion d'état-major qui suivit immédiatement des propos privés sur sa mort imminente et la crémation de son cadavre. Après un bref moment d'abandon, il s'était repris en main.


Pas de déclin d'autorité donc, sinon très fugitif. Cependant, ce passage est typique d'une imperfection de méthode chez Kershaw : il prend trop les propos rapportés de Hitler au premier degré, sans apercevoir la dimension de la ruse ou de la comédie. Pourtant il relève lui-même que certains propos sont tenus devant des familiers (ceux qu'il appelle "privés") et d'autres devant des officiels (le réunion d'état-major) : il y a là évidemment un double langage, celui, à usage politique, de la lutte jusqu'au bout, et celui du constat de la défaite, qui devient urgent pour donner à ses familiers des instructions pratiques telles que la crémation de son corps. Kershaw semble croire qu'il a pensé brièvement au suicide avant de retrouver le moral. Ce n'est pas du tout ainsi, à mon avis, qu'il faut interpréter les choses.

Le cas de figure, dans l'affaire de la terre brûlée, est très comparable.