Audie Murphy a écrit:Je comprends les motivations de Speer: ça lui a sauvé la vie à Nuremberg. Mais pouvez-vous m'expliquer ce que le Führer y gagnait? Sa grande Allemagne était foutue que l'ordre soit exécuté ou non.
Hitler ne gagnait rien dans le réel; il détesterait sans nul doute le pays d'Angela Merkel.
Mais il gagnait dans son fantasme : ayant réveillé l'humanité de la torpeur de 2000 ans de christianisme au moment même où la Juiverie allait réaliser son rêve de domination mondiale et entraîner le monde à sa perte, il avait certes perdu la première manche mais l'avenir restait ouvert à un triomphe posthume du nazisme et de ses idées. Il suffisait pour cela de conserver une Allemagne occidentale puissante et plus étendue que la zone soviétique (qui serait d'ailleurs rapidement récupérée), dirigée par des technocrates opportunistes comme Speer si possible guidés par un Himmler et un Göring. Elle garderait la main en Europe, empêchant facilement une renaissance française et tenant les Russes en lisière. Tôt ou tard le nazisme serait réhabilité et rétabli dans sa pureté, grâce au fait que lui n'aurait jamais cédé sur rien.
A mon avis, le procès de Nuremberg a joué un rôle crucial pour tuer ce processus dans l'oeuf, non seulement en fournissant précocement des tonnes de documentation sur les crimes et autres félonies du régime, mais en réussissant à faire comparaître une brochette représentative de dirigeants et en les amenant à se charger les uns les autres (et surtout à charger les morts ou les absents, retournant finalement contre Hitler son habileté à faire apparaître son régime comme divisé entre des clans mortellement rivaux) : rien ne pouvait mieux prouver le bon aloi des preuves et le caractère hors normes des crimes.