Par ordre chronologique :
-un document de 28 pages rédigé en 1948 par Karlheinz Pintsch, "Adjutant" de Hess, retrouvé dans les archives de Moscou par Matthias Uhl, co-auteur du "Dossier Hitler" et révélé par lui en mai 2011 http://www.telegraph.co.uk/history/worl ... itler.html ;
-un papier du Telegraph du 26 septembre dernier sur un nouveau livre de Peter Padfield, historien anglais non universitaire et biographe de Hess http://www.telegraph.co.uk/history/1033 ... -USSR.html ;
-un compte rendu de ce livre lui-même, dû à Nigel Jones et paru le 4 octobre http://www.telegraph.co.uk/culture/book ... eview.html .
Pintsch fait état d'une entente étroite entre Hess et Hitler. Le premier, simple messager du second, venait "en accord avec les Anglais" pour négocier "au moins la neutralité" de l'Angleterre pendant Barbarossa. Je dis tout de suite que je n'y crois pas du tout : cela sent à 10 kilomètres une confession dictée par le KGB. Par ailleurs Pintsch n'avait pas à être mis au courant de ce genre de choses. Enfin, notre interview, déjà citée, de Rochus Misch en 2006 http://www.delpla.org/article.php3?id_article=425 est fiable au moins en ceci : le propre serviteur de Hess, Sepp Platzer, qui a beaucoup causé avec Misch pendant leur captivité en URSS, pensait que Hess avait agi seul. Ce qui ne prouve rien dans un sens ou dans un autre, mais invite à se rappeler la maladie du secret qui avait cours en Hitlérie, donc à mettre radicalement en doute que Pintsch ait pu en savoir aussi long. Il ne fait que mettre sur le papier les soupçons de Staline.
Pour Padfield, que j'ai l'intention de lire de près (mais pas avant un mois ou deux), il y a à la fois entente entre Hitler et Hess, qui emporte un traité de paix auquel ne manque que la signature (neutralité anglaise dans Barbarossa contre évacuation de l'Europe occidentale), et piège personnalisé du MI6 pour attirer Hess en Angleterre. Je ne trouve pas que cela s'articule très bien.
Surtout, Padfield semble faire son petit Martin Allen en inventant (ou en se laissant mettre dans les mains par des gens douteux) les pièces qui manquent à sa démonstration : un "informant" qu'il se refuse à nommer lui a raconté qu'il avait servi de traducteur pour le traité. Dont Hitler avait bien sûr fourni une version anglaise, mais Churchill voulait vérifier la traduction.
an academic who later worked at a leading university. He has since died. Before his death, he passed on an account of how the group were assembled at the BBC headquarters, in Portland Place, London, to carry out the task.
Là encore, beaucoup de confidences inutilement faites à un subalterne, qu'il aurait suffi de faire plancher sur un texte allemand sans lui donner le moindre renseignement sur ses tenants et ses aboutissants. Au lieu de cela, on constitue une équipe ! et dans des locaux, non du MI6, mais d'un média !! Mais il faudrait lire ce que Padfield dit exactement.
Quant à la date de Barbarossa, elle était divulguée ! L'article ne dit pas si c'était dans le traité, ou si au futur grand universitaire germaniste on a révélé gratuitement ce secret.
Ledit informant a par la suite rompu tout contact avec Padfield en étant repris en main par ses "anciens supérieurs du service de sécurité".
A toute cette salade s'ajoutent des considérations sur la Shoah : une raison de l'enterrement de ces renseignements pourrait être que la famille royale était "profondément engagée dans des tentatives de paix", mais Padfield croit plutôt que Hess apportait "des informations sur l'Holocauste" et que Churchill ne voulait pas qu'on sache qu'il savait. Cette partie me semble encore plus fantaisiste, par rapport à ce qu'on sait de la genèse de la Solution finale. Hitler n'en avait encore parlé à personne en Allemagne, ce n'était pas pour aller le dire à l'étranger ! Il y avait juste une menace parfaitement publique d'extermination en cas de guerre... émise le 30 janvier 39.
Dernière petite chose, sur la question du parachutage : Hess "bailed out when he ran out of fuel after failing to find Dungavel". Autant il est sinon normal du moins compréhensible, les choses étant ce qu'elles sont, que Padfield ne tienne aucun compte de mon Churchill et Hitler, autant il n'est ni compréhensible ni normal qu'il ignore le livre de John Harris (2010) qui démontre que Hess ne pouvait ni ne voulait atterrir à Dungavel, mais visait Prestwick.
En conclusion, je crains que ce livre ne ménage un peu toutes les chèvres et tous les choux. En tout cas la discussion bat son plein, et le fait de considérer qu'il y a encore des secrets d'Etat à protéger, concernant cette période, semble à de plus en plus de gens aussi vain que ridicule. Tout ça va plutôt dans le bon sens.