Je constate, en cherchant où caser ce fil, l'absence d'une rubrique : "Généralités sur la Seconde Guerre mondiale".
Je viens de faire une découverte qui me semble capitale, en deux séjours aux archives anglaises (février et octobre 2011) sur fond de débats et de réflexions sur l'état de la guerre en 1941, particulièrement dans les mois précédant Barbarossa.
Pour 1941, après un fil sur Hess actuellement verrouillé viewtopic.php?f=17&t=27497, le propos s'est concentré sur la conversation Hoare-Hohenlohe de Madrid, le 6 mars, connue par un télégramme de l'ambassadeur italien Lequio viewtopic.php?f=17&t=28461&start=0 .
A présent deux années ont passé, marquées essentiellement par deux campagnes allemandes en Russie, redoutablement destructrices mais finalement désastreuses car non décisives. A présent (mai 1943) Hitler, qui veut jouer la partie jusqu'au bout quoi qu'il arrive, met plus que jamais son espoir dans la rupture de la coalition adverse.
Deux officiers SS de haut vol, se disant dégoûtés du nazisme, offrent leur collaboration aux Britanniques. L'un, Wurzmann, est capturé en Afrique du Nord, où il faisait partie d'une commission allemande d'armistice. L'autre, Hans Zech-Nenntwich, se livre de lui-même, par la Suède. Ce royaume lui accorde l'asile politique mais il demande à être reçu en Angleterre, quitte à y être interné, pour combattre au mieux Hitler.
Voici un premier document viewtopic.php?f=17&t=28461&start=70 qui montre comment les services secrets britanniques, par leur représentant en Suède, commencent à mordre à l'hameçon.
Au fait, comment être sûr qu'il s'agit bien d'un hameçon ? Ce document lui-même en offre deux indices. Le premier, dont nous avons commencé à débattre, est que Z-N attribue le crime de Katyn (l'assassinat par le NKVD de milliers d'officiers polonais en avril 1940, révélé trois ans plus tard par la propagande de Goebbels) à "la Gestapo". C'est, de la part d'un Allemand quel qu'il soit, très étonnant et de la part d'un SS assez inconcevable. On n'a guère entendu parler d'une autre archive disant une telle chose, surtout avec autant d'assurance. En revanche, si on se met dans la peau d'un agent envoyé offrir ses services à l'ennemi, la manoeuvre a une utilité très claire : celle de démontrer sa rupture avec le régime nazi en prenant avec ses deux principaux dirigeants après Hitler, à savoir Himmler et Goebbels, des distances radicales.
L'autre indice est que la dernière trace de l'activité de Z-N d'après les papiers qu'il porte est une nomination à Varsovie en février 1943. Puisqu'il arrive en Suède le 10 mai, cela laisse un trimestre pour le former en tant qu'agent, lui faire apprendre sur le bout des doigts ce qu'il devra dire etc.
Un autre indice que les dés sont pipés est fourni par la carrière d'après guerre de Z-N. Il est comme vidé. Après l'avoir longuement interrogé sur tous les aspects du régime, les Anglais l'ont employé à la radio pour des émissions en allemand puis, quelques semaines avant la fin de la guerre, se sont gravement interrogés sur son emploi futur. Ils ont finalement décidé de l'envoyer en Allemagne, dans leur zone d'occupation, chargé de besognes de police. Mais soudain en 1947 il est repéré par des journalistes, en quête de nazis de haut vol réemployés en Allemagne; on voit alors les services secrets britanniques le défendre quelques semaines, en le disant victime d'une "vendetta", puis le lâcher définitivement, sous un prétexte de "faux en écriture" dans son dossier de réinsertion. Il finira par être rattrapé par son passé de bourreau de Juifs en Pologne (dont il s'était soigneusement caché lors de ses interrogatoires londoniens), et condamné comme tel en RFA au début des années 60. Cela jure avec le comportement d'un nazi repentant (d'ailleurs il ne se dit même pas nazi mais "conservateur"... égaré sans doute dans la SS, et jusqu'au secrétariat de Himmler pendant trois mois, pour des raisons purement techniques...)
Je rapporte de nombreux documents sur lui. Beaucoup moins en revanche sur Wurmann. Ce qui rapproche les deux, outre la publicité qu'ils font à Hohenlohe, c'est que ce sont les Anglais qui, se croyant sans doute très malins, les surnomment Arlequin et Colombine !
Je présume moi-même que les deux agents sont envoyés en même temps par Himmler et Schellenberg (chef de la section extérieure du RSHA, dite Amt VI) avec des missions liées et complémentaires; en revanche, pour Colombine on est au-delà de la présomption. C'est bel et bien un loup envoyé dans la bergerie, et ses interrogatoires dessinent une manoeuvre claire : il s'agit de faire croire aux Alliés occidentaux que tout l'appareil politico-militaire allemand est traversé par des mouvements de révolte, tendant à isoler quelques moutons noirs nazis, violents et irrécupérables voire... communisants, alors que la grande masse des cadres est prête à se jeter dans les bras anglo-saxons pour lutter ensemble contre la marée rouge qui menace l'Europe.