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Re: Le télégramme "Lequio"

Nouveau messagePosté: 20 Mai 2016, 21:56
de GI-Joe
Le télégramme Lequio a-t-il été recoupé ?
Il semble que non.
Dans cette mesure, comment lui accorder de la crédibilité ?
Il annonce que l'ambassadeur allemand à Madrid a télégrammé à Berlin. Il faudrait vérifier dans les archives allemandes. Or, il semble que personne n'a vérifié.

De même, si Hoare y est mêlé, pourquoi n'en parlerait-il pas dans ses mémoires ? J'imagine qu'il devrait en parler dans son Ambassador on Special Mission paru en 1946.

De même, il est vrai que le télégramme est lui-même obscur au sujet de sa source. Il la juge sûre, mais comment pouvons-nous juger sans en savoir plus ?
D'autre part, il n'est pas inutile de s'interroger sur ce que pourrait en dire Ciano dans son Journal. Et s'il n'en parle pas, ça fait un témoin de moins...

Le télégramme évoque un Butler, j'imagine qu'il s'agit de celui-ci https://en.wikipedia.org/wiki/Rab_Butler ; malheureusement, il ne semble pas avoir laissé de mémoires.

S'il n'est nul part recoupé, que vaut-il ? Pas grand chose.

Re: Le télégramme "Lequio"

Nouveau messagePosté: 21 Mai 2016, 11:48
de François Delpla
Cher anonyme,


Au point où vous en êtes, il y a un choix à faire.

Venez-vous discuter de points d'histoire en plein renouvellement, ou mordre aux mollets ceux qui tirent parti de documents nouveaux ou qui tirent un nouveau parti de documents connus, en disqualifiant ces textes sous le prétexte, vrai ou faux, qu'ils ne seraient pas recoupés ? Ce qui revient à sanctifier les interprétations anciennes et la poussière des ouvrages vieux de 50 ans ou plus.

Je rappelle que vous venez de faire le coup avec le témoignage de Burckhardt sur les intentions militaires de Hitler en août 39, en refusant obstinément de dire quelles elles étaient, selon vous et votre interprétation des documents recoupés. Cf. viewtopic.php?f=160&t=40566&start=40 .

La dépêche de Franco Lequio est, si les faits qu'elle relate sont authentiques, de nature à mettre en lumière un fait nouveau, à un moment crucial de la guerre : Churchill a tellement peur que Hitler s'occupe de lui en priorité en 1941
(en concrétisant des menaces agitées dans l'automne à Montoire, Hendaye et autres lieux contre Gibraltar et toutes les positions anglaises sur la route des Indes)
qu'il allume dès le début de l'année, avec son agent en Espagne Alan Hillgarth, un contrefeu : par l'intermédiaire de Hoare, homme politique conservateur de premier plan et appeaser notoire, qu'il a exilé à l'ambassade de Madrid, il va intoxiquer Hitler en lui faisant croire qu'il est sur le point d'être renversé; en conséquence, Hitler aurait grand tort de s'en prendre à Gibraltar, Malte etc., car il gâcherait une chance unique d'obtenir la paix avec Londres qu'il désire si fort. Cette intoxication semble avoir marché, en particulier parce que le risque pris en envoyant Hess, deux mois plus tard, s'explique mal si Berlin n'a pas le sentiment que la position de Churchill est déjà très affaiblie.

Certes un autre appât peut expliquer la venue de Hess : un rendez-vous machiné par le MI 6, et plus richement documenté, entre le duc de Hamilton (que Hess va visiter sur ses terres) et Albrecht Haushofer, rendez-vous prévu à Lisbonne le 14 mai, soit quatre jours après le vol de Hess -visiblement fait pour accélérer le processus, l'Allemagne ayant un besoin urgent de paix avec Londres car elle a prévu d'attaquer l'URSS en juin.

D'une façon générale, il est de très mauvaise méthode historique d'écarter un document bien réel sous prétexte qu'il est unique, sans se demander une seconde qui aurait eu intérêt à faire un faux et à le rédiger ainsi. Ou à faire courir un faux bruit.

Dans ce cas précis, où Londres comme Berlin sont fortement suspects de brouiller les pistes, c'est voler au secours des brouilleurs alors que quelque chose leur a échappé.

Au surplus, la dépêche de Lequio est recoupée, ô combien, lors de l'affaire "Harlequin et Colombine".

J'ai un peu de mal à croire que notre donneur de leçons ait osé publier son message avant d'avoir fait la moindre recherche sur Google, mais enfin c'est sans doute le cas, étant donné que s'il avait cherché à partir des mots "Delpla Lequio Hoare" il serait tombé tout de suite sur la critique d'un livre de Kersaudy dont l'auteur affirme :

L’épisode, confirmé par quelques archives anglaises (cf. mon Churchill et Hitler, 2012, 2ème partie, ch. 7), n’a laissé en revanche, que l’on sache, aucune trace dans les allemandes, mais il est strictement impossible

- qu’il n’ait produit en Allemagne aucun effet ;

- que Hess ait détourné l’information pour l’empêcher de parvenir à Hitler ;

- que l’un et l’autre, à partir du moment où Hess s’était envolé, que ce fût ou non avec la bénédiction de Hitler, n’aient pas nourri de grands espoirs de succès en raison de la démarche de Hoare.


Il ne reste plus qu'à googliser "Harlequin Colombine Delpla" pour que la lumière se fasse.

Mais ne la craint-on pas ?

Re: Le télégramme "Lequio"

Nouveau messagePosté: 21 Mai 2016, 16:29
de Jumbo
François en tant que spécialiste de AH, sait tu s'il a cité ses sources dans "Mein Kampf"? Si oui ont-elles été recoupées?
Pendant que j'y suis, je me pose la même question au sujet de la bible. A-t-on recoupé tous les faits qui y figurent? :mrgreen:

Re: Le télégramme "Lequio"

Nouveau messagePosté: 21 Mai 2016, 17:04
de iffig
Pour la Bible, c'est en cours depuis Lorenzo Valla (1407-1457) et tous ses successeurs, directs ou indirects : Sébastien Castellion (1515-1563), Isaac de la Peyrère (1596-1676), Richard Simon (1638-1712), Louis Meyer (1630-1681), etc.

Lorenzo Valla s'était fait les dents sur la Donation de Constantin.

Mais bien sûr, les historiens mettront en doute sa méthode puisqu'il évaluait par là un texte du VIII e siècle selon les critères de l'humanisme du XVI e siècle (et, chose plus grave, en mettant en doute la véracité du texte le plus ancien).

Re: Le télégramme "Lequio"

Nouveau messagePosté: 21 Mai 2016, 17:15
de Prosper Vandenbroucke
Pour "Mein Kampf" il se peut que ce soit Moïse ??????

Re: Le télégramme "Lequio"

Nouveau messagePosté: 21 Mai 2016, 17:19
de François Delpla
sans parler des recoupeurs de cheveux en quatre !

mais cessons de railler et parions sur le mieux : GJ est sans doute en train de réfléchir sur la méthode historique et de combler ses lacunes dans ce domaine, comme il sied à un passionné en cours d'apprentissage.

Re: Le télégramme "Lequio"

Nouveau messagePosté: 23 Mai 2016, 17:29
de GI-Joe
François Delpla a écrit:Cher anonyme,


Au point où vous en êtes, il y a un choix à faire.

Venez-vous discuter de points d'histoire en plein renouvellement, ou mordre aux mollets ceux qui tirent parti de documents nouveaux ou qui tirent un nouveau parti de documents connus, en disqualifiant ces textes sous le prétexte, vrai ou faux, qu'ils ne seraient pas recoupés ? Ce qui revient à sanctifier les interprétations anciennes et la poussière des ouvrages vieux de 50 ans ou plus.

Je rappelle que vous venez de faire le coup avec le témoignage de Burckhardt sur les intentions militaires de Hitler en août 39, en refusant obstinément de dire quelles elles étaient, selon vous et votre interprétation des documents recoupés. Cf. viewtopic.php?f=160&t=40566&start=40 .

La dépêche de Franco Lequio est, si les faits qu'elle relate sont authentiques, de nature à mettre en lumière un fait nouveau, à un moment crucial de la guerre : Churchill a tellement peur que Hitler s'occupe de lui en priorité en 1941
(en concrétisant des menaces agitées dans l'automne à Montoire, Hendaye et autres lieux contre Gibraltar et toutes les positions anglaises sur la route des Indes)
qu'il allume dès le début de l'année, avec son agent en Espagne Alan Hillgarth, un contrefeu : par l'intermédiaire de Hoare, homme politique conservateur de premier plan et appeaser notoire, qu'il a exilé à l'ambassade de Madrid, il va intoxiquer Hitler en lui faisant croire qu'il est sur le point d'être renversé; en conséquence, Hitler aurait grand tort de s'en prendre à Gibraltar, Malte etc., car il gâcherait une chance unique d'obtenir la paix avec Londres qu'il désire si fort. Cette intoxication semble avoir marché, en particulier parce que le risque pris en envoyant Hess, deux mois plus tard, s'explique mal si Berlin n'a pas le sentiment que la position de Churchill est déjà très affaiblie.

Certes un autre appât peut expliquer la venue de Hess : un rendez-vous machiné par le MI 6, et plus richement documenté, entre le duc de Hamilton (que Hess va visiter sur ses terres) et Albrecht Haushofer, rendez-vous prévu à Lisbonne le 14 mai, soit quatre jours après le vol de Hess -visiblement fait pour accélérer le processus, l'Allemagne ayant un besoin urgent de paix avec Londres car elle a prévu d'attaquer l'URSS en juin.

D'une façon générale, il est de très mauvaise méthode historique d'écarter un document bien réel sous prétexte qu'il est unique, sans se demander une seconde qui aurait eu intérêt à faire un faux et à le rédiger ainsi. Ou à faire courir un faux bruit.

Dans ce cas précis, où Londres comme Berlin sont fortement suspects de brouiller les pistes, c'est voler au secours des brouilleurs alors que quelque chose leur a échappé.

Au surplus, la dépêche de Lequio est recoupée, ô combien, lors de l'affaire "Harlequin et Colombine".

J'ai un peu de mal à croire que notre donneur de leçons ait osé publier son message avant d'avoir fait la moindre recherche sur Google, mais enfin c'est sans doute le cas, étant donné que s'il avait cherché à partir des mots "Delpla Lequio Hoare" il serait tombé tout de suite sur la critique d'un livre de Kersaudy dont l'auteur affirme :

L’épisode, confirmé par quelques archives anglaises (cf. mon Churchill et Hitler, 2012, 2ème partie, ch. 7), n’a laissé en revanche, que l’on sache, aucune trace dans les allemandes, mais il est strictement impossible

- qu’il n’ait produit en Allemagne aucun effet ;

- que Hess ait détourné l’information pour l’empêcher de parvenir à Hitler ;

- que l’un et l’autre, à partir du moment où Hess s’était envolé, que ce fût ou non avec la bénédiction de Hitler, n’aient pas nourri de grands espoirs de succès en raison de la démarche de Hoare.


Il ne reste plus qu'à googliser "Harlequin Colombine Delpla" pour que la lumière se fasse.

Mais ne la craint-on pas ?


Vous parlez de quelles sources exactement ?
Celles issues du témoignage d'un SS récupéré en 43 ? un SS proche de Himmler qui aurait fui parce que les atrocités envers les Juifs le répugnaient ? Je ne pense pas que ce témoignage soit fiable.
Nous n'avons que des témoignages indirects, de troisième main concernant cette prétendue entrevue Hoare-Hohenlohe. C'est pas très sérieux.

D'autre part, vous semblez croire que Churchill aurait sciemment envoyé Hoare à Madrid pour tendre un piège à Hitler, or Churchill dans sa lettre à Cooper d'avril 1943 s'étonne du rôle donné par le témoignage du SS à Hoare... comment donc croire que Hoare aurait obéi aux ordres de Churchill ? Ca ne tient pas débout. Mais, il est vrai que vous ne citez pas les sources in extenso, il est donc difficile de se faire un avis.

Re: Le télégramme "Lequio"

Nouveau messagePosté: 23 Mai 2016, 17:54
de François Delpla
rapidement car je dois partir : vous persistez dans l'hypercriticisme, sans un mot de reconnaissance pour qui va débusquer des sources permettant de sortir du ronron.

Les données sur le capitaine Wurmann (Harlequin) en particulier sont nettes : c'est un faux dissident dont l'une des préoccupations premières est de semer la zizanie dans le parti conservateur en exhumant l'affaire Hoare-Hohenlohe, afin peut-être de diviser enfin la classe dominante anglaise entre ceux qui détestent le plus Hitler et ceux qui craignent davantage Staline.

Mais si ces données vous indiffèrent, passez donc votre chemin !

Et si les historiens vous déplaisent quand ils citent les parties les plus éloquentes d'un carton d'archives sans publier l'intégralité du carton, choisissez d'autres lectures.

Re: Le télégramme "Lequio"

Nouveau messagePosté: 24 Mai 2016, 14:07
de GI-Joe
Merci de partager ces sources, mais je pense que vous faîtes fausse route. Les sources que vous nous montrez ne permettent pas de conclure ce que vous concluez.

Comment expliquez-vous que Churchill s'étonne en 43 de la réunion Hoare-Hohenlohe dans le court extrait de la lettre que vous publiez et que vous puissiez en conclure que c'est Churchill qui a envoyé en 41 Hoare magouiller avec Hohenlohe ? Il y a là de toute évidence un paradoxe : Churchill ne peut pas s'étonner de l'entrevue Hoare-Hohenlohe en 43 si c'est lui qui l'a organisé ou voulu en 41.

Le télégramme Lequio est un témoignage italien de 3ème main sur une rencontre anglo-allemande. Aucune valeur ou presque.
Le SS Wurmann est sans doute un escroc. Aucune valeur, aucune.
Que reste-t-il pour vérifier la véracité de la rencontre Hoare-Hohenlohe ? Hoare ou Hohenlohe en parlent-ils ? il semble que non... Les archives allemandes sont silencieuses. Les archives italiennes se résument au télégramme Lequio, et les archives anglaises au témoignage du SS véreux.
Conclusion : en l'état actuel, on ne peut que conclure ce qui suit : cette rencontre n'a jamais eu lieu. Ce qui explique que l'on n'ait que des témoignages de 3ème main pour en parler.

Re: Le télégramme "Lequio"

Nouveau messagePosté: 24 Mai 2016, 15:57
de François Delpla
GI-Joe est très sévère pour les autres et très indulgent envers lui-même.

Quelle crédibilité peut-on lui accorder ?