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Re: LE QUÉBEC ET LES JUIFS EN 1944 : DANS LA NOIRCEUR CATHOL

Nouveau messagePosté: 02 Mai 2011, 10:35
de elgor
Petite question ! Quelle est la cause de cet antisémitisme ? La notion de "peuple déïcide" ? un racisme ordinaire ? le fait de vouloir un peuple de religion unique ? mais alors pourquoi ne pas s'en prendre aux protestants ?

Re: LE QUÉBEC ET LES JUIFS EN 1944 : DANS LA NOIRCEUR CATHOL

Nouveau messagePosté: 02 Mai 2011, 12:32
de François Delpla
Fred ne m'en voudra pas si je précise que, sans sortir du sujet québecois, il sied de le mettre en rapport avec ce qui se passe ailleurs au même moment, et en particulier avec l'antisémitisme nazi. Les traits chromosomiques communs sont évidents, et pourtant les deux réalités diffèrent profondément. Hitler non seulement systématise tout ce fatras diabolisant, mais l'inscrit dans une urgence historique, celle de la lutte finale entre judaïsme et aryanité pour la domination mondiale.

Y a-t-il des échos de cela dans des secteurs de l'opinion catholique québecoise, ou une simple tendance à accompagner le mouvement exerminateur allemand, par exemple en prenant position contre l'immigration ?

Re: LE QUÉBEC ET LES JUIFS EN 1944 : DANS LA NOIRCEUR CATHOL

Nouveau messagePosté: 02 Mai 2011, 12:36
de elgor
Chez nous, chez les "maudits français" ;) , bien que la révolution ait accordé la citoyenneté française aux juifs, l'antisémitisme était latent au XIXème siècle même s'il était réservé à certains milieux. Le vrai révélateur à été "L'affaire Dreyfus". Mais si cette affaire a divisé les familles elle a surtout divisé les catholiques. Si Dreyfus a été vigoureusement attaqué, il a aussi été vigoureusement défendu, y compris par des catholiques. Cette dualité on la retrouvera durant la SGM.

Re: LE QUÉBEC ET LES JUIFS EN 1944 : DANS LA NOIRCEUR CATHOL

Nouveau messagePosté: 02 Mai 2011, 13:05
de memoire44
Bonjour,

Une image vaut mille mots:
Image
Ceci je crois date d'avant guerre, mais quand même, on peut voir une forme avancé d'antisémitisme.

Tienno a écrit:C'est plus simple de s'en prendre à une minorité juive plutôt qu'à une très importante communauté protestante…

Les protestants, ce sont les "boss" et les riches. Et c'est connu, un ouvrier ne s'attaque pas à la religion de son patron s'il veut garder sa place. De plus, en dehors des grandes villes, les protestants n'était que très peu nombreux.


Cordialement ;)

Re: LE QUÉBEC ET LES JUIFS EN 1944 : DANS LA NOIRCEUR CATHOL

Nouveau messagePosté: 02 Mai 2011, 16:36
de Audie Murphy
François Delpla a écrit:Fred ne m'en voudra pas si je précise que, sans sortir du sujet québecois, il sied de le mettre en rapport avec ce qui se passe ailleurs au même moment, et en particulier avec l'antisémitisme nazi. Les traits chromosomiques communs sont évidents, et pourtant les deux réalités diffèrent profondément. Hitler non seulement systématise tout ce fatras diabolisant, mais l'inscrit dans une urgence historique, celle de la lutte finale entre judaïsme et aryanité pour la domination mondiale.

Y a-t-il des échos de cela dans des secteurs de l'opinion catholique québecoise, ou une simple tendance à accompagner le mouvement exerminateur allemand, par exemple en prenant position contre l'immigration ?


Je ne crois pas, François, qu'il y ait eu une forme d'approbation du génocide en refusant l'immigration. C'était plutôt une forme de "pas dans ma cour". Nous sommes d'accord pour que les Juifs soient aidés, mais d'autres s'en chargeront!

Re: LE QUÉBEC ET LES JUIFS EN 1944 : DANS LA NOIRCEUR CATHOL

Nouveau messagePosté: 02 Mai 2011, 16:38
de Audie Murphy
Je me permets de répéter ce que j'avais émis en première page, soit le conseil de lire mon article dans l'Histomag #68

Re: LE QUÉBEC ET LES JUIFS EN 1944 : DANS LA NOIRCEUR CATHOL

Nouveau messagePosté: 02 Mai 2011, 17:02
de François Delpla
Audie Murphy a écrit:
Je ne crois pas, François, qu'il y ait eu une forme d'approbation du génocide en refusant l'immigration. C'était plutôt une forme de "pas dans ma cour". Nous sommes d'accord pour que les Juifs soient aidés, mais d'autres s'en chargeront!


Il faut refuser qu'on taxe de "complicité dans l'Holocauste" les gens qui ont traîné les pieds pour recevoir des réfugiés (cas du roman célèbre de Yannick Haenel sur Karski et contre Roosevelt, l'année dernière). Néanmoins, du moment que les Juifs étaient massivement tués et que cela se savait ou pouvait se savoir, les bons vieux dénonciateurs du "meurtre du Christ" à travers les âges avaient une forme de co-responsabilité, étaient tenus par leur propre morale, plus que d'autres, de dire "halte-là", et par leur propre dogme de rappeler que l'humanité est une.

Re: LE QUÉBEC ET LES JUIFS EN 1944 : DANS LA NOIRCEUR CATHOL

Nouveau messagePosté: 02 Mai 2011, 19:45
de FredSmith
J'abonde dans le même sens que mes camarades memoire44 et Audie.

J'ajouterais que tout en reconnaissant les dérives antisémites au Canada et au Québec, la mise en exergue de quelques exemples frappant doit être traitée avec prudence, au risque de généraliser la marginalité.

Oui, le Canada et le Québec entretenaient un certain antisémitisme, mais pas plus ni moins qu'ailleurs (hors toute comparaison avec l'Allemagne, il va sans dire). Et pas plus au Québec qu'au Canada anglais, comme l'a fait remarquer ce même Irving Abella qu'on cite plus haut. (L'Actualité, 1er Mars 1997, vol. 22, no 3)

M'étant penché sur la propagande gaulliste au Québec, canalisée comme une réponse à la propagande vichyste, et ayant dépouillé des centaines de pages d'archives de la France Libre au Canada, incluant de nombreux rapports sur l'opinion publique canadienne-française, je suis en mesure d'affirmer sans trop me tromper que, aux yeux de ces gens à tout le moins, l'argument raciste et antisémite était très peu évoqué à travers l'argumentaire vichyste et pétainiste au Québec. C'est vraiment le "Travail, Famille, Patrie" qui intéressait au premier chef.

En fait, les sondages d'opinion effectués ici au cours de la guerre démontrent que l'opinion publique canadienne-française, d'abord majoritairement pétainiste en raison de l'influence du clergé catholique et de l'aspect séduisant de la Révolution nationale pour une province alors très conservatrice, a tourné à la faveur de De Gaulle au même rythme qu'elle (l'opinion publique) découvrait l'ampleur de la collaboration vichyste et des crimes nazis.

Bien sûr, comme partout ailleurs, des éléments plus radicaux se sont fait entendre, comme le "nazi canadien" Adrien Arcand, dont personne n'a pleuré l'internement ni en 1940, ni par la suite. Le discours de certaines élites intellectuelles a souvent été émaillé de propos carrément antisémites, reprenant des thèmes courants à l'époque dans le monde occidental. Une certaine élite nationaliste, farouchement pétainiste même après la guerre, a même caché puis défendu le milicien Jacques de Bernonville lors de sa fuite au Québec à la fin des années 1940, début 1950.

Ce sont des pages noires de l'histoire du Québec, au travers quelques pages plus glorieuses comme la participation canadienne-française à la guerre, forte de ses 90 000 volontaires.

Re: LE QUÉBEC ET LES JUIFS EN 1944 : DANS LA NOIRCEUR CATHOL

Nouveau messagePosté: 02 Mai 2011, 20:00
de memoire44
Bonjour,

tout à fait d'accord avec Fred, je rajouterait que également dans les camps de prisonniers, tant canadien que québécois, et où était enfermé civil d'origine allemand et militaire de l'Axe, les juifs étaient bien plus haïes. Dans les rapports et conversations des gardes étaient souvent utilisés des mots antisémitisme ainsi que des mentions totalement fausse du style: pas propres, voleurs, non-discipliné, etc.
C'est malheureusement vrai, mais somme toute moins pire que ce que beaucoup de pays européens ont fait subir à la communauté juive.

Re: LE QUÉBEC ET LES JUIFS EN 1944 : DANS LA NOIRCEUR CATHOL

Nouveau messagePosté: 02 Mai 2011, 21:32
de Audie Murphy
François Delpla a écrit:
Audie Murphy a écrit:
Je ne crois pas, François, qu'il y ait eu une forme d'approbation du génocide en refusant l'immigration. C'était plutôt une forme de "pas dans ma cour". Nous sommes d'accord pour que les Juifs soient aidés, mais d'autres s'en chargeront!


Il faut refuser qu'on taxe de "complicité dans l'Holocauste" les gens qui ont traîné les pieds pour recevoir des réfugiés (cas du roman célèbre de Yannick Haenel sur Karski et contre Roosevelt, l'année dernière). Néanmoins, du moment que les Juifs étaient massivement tués et que cela se savait ou pouvait se savoir, les bons vieux dénonciateurs du "meurtre du Christ" à travers les âges avaient une forme de co-responsabilité, étaient tenus par leur propre morale, plus que d'autres, de dire "halte-là", et par leur propre dogme de rappeler que l'humanité est une.


Une responsabilité, très certainement! Du moment que nous aurions pu sauver plus Juifs et que nous avons refusé de le faire, peu importe les raisons invoquées, nous porterons ce triste fardeau sur nos épaules! Et comme le rappelait justement Alexandre Jardin à Tout le monde en Parle version québécoise: Reconnaître n'est pas endosser!