16 mai : les archives brûlent, y compris les anglaises !
Posté: 16 Mai 2010, 11:43
Je relisais cette nuit le journal d'Oliver Harvey, un ponte du Foreign Office en poste à Paris depuis le début de mai, et j'ai été frappé par ceci :
Voilà qui peut nuancer quelque peu le tableau qu'on nous sert partout où on cause des anniversaires de 40, sur l'affolement parisien que Churchill vient tempérer. Il n'en mène pas non plus très large. Il est vrai qu'il est tributaire, avec toute son ambassade, d'infos françaises, ce qui n'est sans doute pas pour rien dans l'envoi, le 25, de Spears, député conservateur, général et efficace go between avec l'armée française pendant la guerre précédente.
16 mai
Encore de mauvaises nouvelles.
100 tanks allemands sont franchi la ligne bien que, à ce qu'on sait, celle-ci soit encore fermement tenue derrière eux.
Paul Reynaud a demandé davantage d'avions mais Winston a refusé en arguant que le revers présent est momentané, comme on en a connu tant en 1914, et qu'il est préférable d'attirer les Allemands vers le Royaume-Uni. A cela PR a répondu que cette guerre était différente de celle de 1914 et que les Allemands pouvaient être à Paris ce soir !
Nous brûlons nos archives, nous occupons d'évacuer le personnel féminin vers Le Havre et faisons nos valises en vue d'une soudaine évacuation de nos propres personnes en cas de nécessité.
Les 100 tanks sont des modèles lourds contre lesquels les armes anti-chars sont inefficaces.
Pas encore de signes d'inquiétude dans Paris.
après-midi
Winston arrive cet après-midi. Je vais au Quai à 5h et Rochat me donne des nouvelles un peu meilleures. Il dit que la percée des tanks est contenue des deux côtés.
Winston arrivé à 5 heures plein de feu et de fureur, disant que les Français sont des poltrons et qu'ils doivent se battre. Après un entretien avec Reynaud il trouve la situation plus grave et tombe d'accord pour alerter le cabinet par télégramme. Il le convoque à 10h pour le faire statuer sur la demande française d'un renfort aérien. Il recommande l'acceptation, puisqu'elle peut changer la donne et mettre l'armée française en mesure de redresser la situation. Gamelin salement étrillé, il n'avait pas mis ses réserves au bon endroit. A minuit, réponse du cabinet, il accorde les avions.
Pendant ce temps, les dames de l'ambassade étaient évacuées en voiture vers Le Havre, à 11h 30 du soir. Cela avait été décidé très vite avec la chaude approbation de Winston. "Cet endroit va devenir sous peu une morgue !" dit-il à Lady Campbell pour la consoler tandis qu'elle prenait congé de Ronnie [Ronald Campbell, l'ambassadeur]. (...)
Les dactylos avaient été expédiées en train plus tôt, à 7h 30. Nous sommes maintenant prêts à partir nous-mêmes rapidement demain matin, si nécessaire. Archives brûlées toute la journée.
Voilà qui peut nuancer quelque peu le tableau qu'on nous sert partout où on cause des anniversaires de 40, sur l'affolement parisien que Churchill vient tempérer. Il n'en mène pas non plus très large. Il est vrai qu'il est tributaire, avec toute son ambassade, d'infos françaises, ce qui n'est sans doute pas pour rien dans l'envoi, le 25, de Spears, député conservateur, général et efficace go between avec l'armée française pendant la guerre précédente.