François Delpla a écrit:* une gigantesque armée presque encerclée, cela n'a aucun intérêt de l'encercler complètement ?
* surtout si on redoute que l'ennemi se ressaisisse ??
* ou si on craint une panne sèche, ou si on s'affole à la vue de l'usure du matériel ???
Quel navire, en vue du port, stoppe les machines par peur qu'elle tombent en panne ?
et surtout, pour la nième fois : quel monceau d'archives de telles craintes auraient produit, dans la matinée du 24, si l'explication de l'ordre était là ! Pourquoi personne n'en cite-t-il jamais aucune, et pourquoi les tenants d'une explication militaire au ras du bitume se muent-ils tout à cout en virtuoses du flou chronologique et en dévots des généralités éthérées ?
Bonjour,
Personnellement, je ne remets pas, totalement, en cause la version du Haltbefehl, qui en ferait une volonté "d'accorder une ouverture" aux Anglais, dans la perspective d'éventuelles négociations politiques, mais j'en conteste la chronologie. Elle n'était pas à l'origine du Haltbefehl, mais en avait été, au mieux, une conséquence; c'était, aussi, une intention qui permettait de maquiller une partie de la réalité.
Ces documents émis PENDANT l'ordre d'arrêt montrent surtout qu'il est respecté; pensez-vous en déduire quelque chose concernant ses causes ?
Je vous l'accorde, sans problème. On se retrouve, un peu, avec l'histoire de l'oeuf et de la poule.
C'est pour cette raison, que j'ai inséré la carte OKW au 24 mai (mais on pourrait, aussi bien, remonter quelques jours plus tôt).
Que nous dit-elle ? A cette date, le Heeresgruppe A ressemble, un peu, à une comète ou une étoile filante.
Les formations allemandes blindées & motorisées (Kleist & Holt) "cavalcadent" tout à l'avant et sont, toutes, plus ou moins, concentrées dans le triangle Calais-Lens-Abbeville.
Les divisions d'infanterie ( 2. & 12.Armee) sont, alors, pour l'essentiel, à hauteur de Saint Quentin, pour les plus proches, et entre cette dernière et l'est de Charleville, pour les autres. Ne figurent que les ID, mais pour l'artillerie, le ravitaillement, etc., la situation est identique.
Bon nombre de divisions ont été, également, distraites, pour faire écran sur le flanc sud (en gros, de Péronnes jusqu'à la frontière luxembourgeoise, à hauteur de Sierk (jonction avec le Heeresgruppe C), car il y a du monde en face ; le seul secteur qui s'étend de Péronnes jusque bien au-delà de Rethel est tenu par 12 malheureuses divisions, ce qui ne fait pas bézef de monde, ramené au kilomètre de ligne.
Maintenant, comparons avec la situation du Heeresgruppe B. A peu de choses près, les divisions en tête, uniquement de la" piétaille", progressent, au coude à coude, sur un front (Nord) beaucoup plus restreint.
Le 24 mai, la messe est dite, les unités du Heeresgruppe B ont repoussé les formations anglo-françaises vers les plages de la Manche et le dispositif, même maigrichon - c'est, de fait, une aimable passoire -, mis en place par la 4. Armee /H.Gr. A, est sensé interdire tout tentative de dégagement vers le Sud.
Contrairement au Heeresgruppe B, la pointe "ouest" du Heeresgruppe A, elle, doit, aussi, faire face, tout à la fois, au Nord et au Sud; d'où l'urgence de faire rappliquer vite-fait les ID dispersées sur plus de 300 km - la 4.Armee insiste, d'ailleurs, dans ses ordres du 25 mai, sur la nécessité qu'elles rallient à marche forcée (page 3, point 5) -.
Le 25 mai, l'ordre N°5 de la 4.Armee précise...
1) L'ennemi a été encerclé plus loin au nord. A ce jour, au sud, la (4.) Armée ne tient que quelques secteurs.
Le Heeresgruppe B est chargé de nettoyer le secteur côtier, en repoussant les unités alliées, encore stationnées en Belgique vers Dunkerque, avant d'assener le coup de grâce. C'est typiquement du boulot de fantassins, d'autant qu'en contraignant l'adversaire au recul, dos à la mer, on risque fort d'aboutir à une concentration de troupes diverses, qui posera de sérieux problèmes à l'intervention éventuelle de formations blindées... comme à Calais, il y a un gros risque à engager du Panzerounet sur des positions défensives (dispositifs antichars, secteurs urbains convertis en "casemate", etc), même, préparées à la va-vite. Alors, si, en plus, il s'avère, comme c'est le cas, que les formations blindées ont atteint leurs limites techniques (effectif opérationnel exsangue, remises en état impératives, ravitaillement au compte-gouttes pour cause de lignes (de ravitaillement) distendues, équipages rincés, etc.), et, dans la mesure où leur engagement n'est pas particulièrement requis, les jours suivants, elles se "contenteront" de resserrer l'encerclement, au sud. Le 30 mai, à l'exception de la 20. ID (mot.), c'est, avant tout, de la "Biffe", qui participera à l'assaut final, sur Dunkerque, seuls, l'IR "GD" et la LSSAH (un gros régiment renforcé) feront écran à hauteur de Gravelines.
Au 24-25 mai, la campagne en est à sa première moitié, sauf que c'est un état de fait que nous connaissons à posteriori. Les allemands n'avaient aucune idée sérieuse de ce qui les attendait et ils avaient une bonne expérience des Français (1870-71, 1914-1918), parfaitement capables de leur en faire baver, même acculés. Il était, donc, impératif, de "reconstituer", à peu près correctement, leurs unités blindées, dès que l'occasion s'en présentait. A cette date, il leur restait, au mieux, l'équivalent de 4-5 Panzerdivisionen à effectif plein (pour peu que cette notion de" plein effectif" ait, vraiment, existé, à l'époque, et en passant, sous silence, l'importance numérique des trottinettes blindées (Pz. I & Pz. II) au sein de leur parc blindé).
A partir de là , la situation au 24 mai était une réelle opportunité pour procéder à une halte technique (indispensable pour les Panzer) et rameuter des ID, dispersées sur 300 bornes.
Après, l'exploitation "politique" de cette "halte", par Dodolf - à qui on avait, au préalable, largement détaillé la situation ... on a beau être têtu et bouché à l'émeri, à un moment, on est contraint d'en tenir compte! - est une toute autre affaire.