Tri martolod a écrit:Bruno Roy-Henry a écrit:
Non. Si les dirigeants caressent l'idée d'un armistice (Reynaud en coulisses et Lebrun haut et fort), c'est qu'il existe des propositions pour la paix immédiate sur le sable de Dunkerque !
Si c'est écrit sur le sable, il y a effectivement peu de chance de trouver la moindre trace de ces propositions de paix immédiate dont personne à Londres ou ailleurs n'a entendu parler pour valoriser cet ordre de AH.
Errare humanum est : espérons que le présent rappel d'un post de ce débat, p. 13, écartera définitivement de Pierre toute tentation de persévérance diabolique...
... tout en éclairant ceux qui ont pris le fil en route sur certaines raisons de la longueur :
François Delpla a écrit: Le Haltbefehl est, j'espère que personne n'en disconviendra, quelque chose de très étonnant : la première fausse note dans une partition militaire fort réussie et scandée par trois triomphes, contre la Pologne, la Norvège puis la France. Plus étrange encore, cette série militaire en forme de promenade faisait suite à une série ininterrompue de triomphes politiques et diplomatiques, depuis 1933.
Comme je comprends qu'avant 1990 personne ne se soit frotté à ce problème ! et qu'ayant tout de même à expliquer ce déconcertant blocage, on se soit contenté de prendre au premier degré des bribes permettant d'incriminer d'impalpables lubies de dernière minute soit de Hitler et Göring, soit de Hitler et Rundstedt, soit des trois ensemble !
François Delpla a écrit: Mais dès lors qu'on prétend traiter le problème historiquement, c'est-à-dire en l'examinant sous toutes ses faces et en intégrant toutes les données, il faut affronter la question : de cette campagne à l'ouest, Hitler attend quoi ?(...)
Le quitte ou double de la percée de Sedan s'accompagne ainsi en toute logique d'une offensive diplomatique, dont le principal vecteur n'est pas Nordling mais Dahlerus.
J'ai rappelé plus haut à Clayroger le chapitre 12 de Churchill et les Français (1993) parce qu'il avait tendance à nier cette offensive diplomatique . Or l'unique document d'époque sauvé des destructions et autres dissimulations est ce papier miraculé "Offres éventuelles de paix de l'Allemagne", que Reynaud a oublié de retirer de la petite partie de ses archives qui s'est retrouvée au Quai d'Orsay alors qu'il faisait le ménage dans la grande, consultable (librement entre 1986 et 1993, avec autorisation de la famille depuis 1993) aux Archives nationales.
François Delpla a écrit: Voilà, ce me semble, une belle ouverture de piste pour tout courageux doublé d'un ennemi viscéral de la censure. Tiens donc, on n'a détruit qu'une partie ! et que ce qui concernait la Suède !! Les Huns menaçaient de débouler, et on laissait à leur disposition les cartons du Foreign Office concernant l'Allemagne et ses antinazis, ou les autres belligérants, ou l'URSS, pour s'acharner sur les relations du gouvernement de Sa Majesté avec un neutre de 3 millions d'habitants !
François Delpla a écrit:Cependant, et à ce propos Daniel a raison de renvoyer à ma Ruse nazie (1997), seul livre consacré au Haltbefehl à part celui de Vanwelkenhuyzen (1994), j'ai beaucoup avancé pendant ces quatre années, notamment en découvrant cette mention ignorée de moi-même et de mes devanciers dans le guide des archives anglaises de la SGM : "'Une partie de la correspondance avec la Suède pour 1939 et 1940 a été détruite en 1940 devant la menace d'une invasion ennemie"
Mais puisqu'on n'avait détruit que sélectivement, il ne restait qu'à explorer ce qui survivait pour essayer au maximum de reconstituer le reste, ou au moins de comprendre de quoi il parlait. Le fait de rester, 13 ans plus tard, le seul à l'avoir fait ne me donne aucune mauvaise conscience, c'est grave, docteur ? Et qu'ai-je trouvé ? qu'on avait éliminé TOUT ce qui concernait les navettes de Dahlerus ! Il reste cependant une preuve qu'il a fait connaître à Londres un plan portant son nom, concocté au ministère des Affaires étrangères de Stockholm et présenté à Göring notamment le 11 mai : le cabinet anglais en a débattu le 23 mai, sans doute sur proposition de Halifax, pour le rejeter, vraisemblablement sous l'impulsion de Churchill. Dites-moi si je vous ennuie.
François Delpla a écrit: Ces éléments et beaucoup d'autres m'ont conduit à penser que Hitler en était bel et bien à l'avant-dernier étage de son programme. Si le premier ministre en poste le 10 mai à l'heure de l'offensive avait continué, le 23, de s'appeler Chamberlain, une paix laissant explicitement ou non à l'Allemagne les "mains libres à l'est" moyennant l'évacuation de l'ouest (d'où le terme nazi de "généreuse") avait toutes chances d'advenir. Là je vois tout de suite des orthodoxes se récrier alors j'ajoute : tel me semble être, en tout cas, le calcul hitlérien, et la totalité du dossier plaide en ce sens.
Seulement voilà : il y a maintenant un autre premier ministre, incapable d'apprécier sportivement la générosité. Il urge donc de laisser aux belligérants, et notamment au britannique, un petit délai pour se débarrasser du trublion.
Ce n'est qu'une explication ! mais pour l'instant il n'y en a pas d'autre.
Juste un petit amendement : le cabinet n'a pas débattu de Dahlerus, ou du moins de son plan, une seule fois mais trois : le 19, le 21 et le 23 mai.
Un plan, je le rappelle, discuté avec Göring pendant cette même conversation du 6 mai qui voit le gros aviateur distiller les conditions allemandes de paix.
On peut déduire que celles-ci sont arrivées à Londres en inversant l'adage "qui peut le plus peut le moins".
Mais on ne sait pas davantage quand et comment le récit, par Dahlerus, de la conversation sur le "plan" est arrivé à Londres...
... pour la bonne raison que la correspondance diplomatique Stockholm-Londres a été passée au lance-flammes.
On a discuté à Londres de ce plan les 19, 21 et 23 mai, ça c'est béton.
A mon avis, celui du seul historien qui jusqu'ici, à ma connaissance, ait suivi cette piste, et exploré en long et en large les bribes rescapées de Kew Gardens, et tout le matériel disponible en fait de journaux, mémoires etc., Halifax a gardé les propositions pour lui et en tout cas n'en a pas parlé à Churchill, espérant le déborder et le renverser plutôt que de mettre les pieds dans le plat et les propositions allemandes sur la table.