Post Numéro: 49 de Yves 14 Juin 2004, 17:48
Je n'étais pas là ce week end, je reprends donc cette discussion avec pas mal de retard, désolé d'être en décalage (hors jeu pour coller à l'actualité...).
Alors, Larminat, je comprends tout à fait tes réactions par rapport à certains de mes propos, je te rejoins d'ailleurs assez largement sur ce que tu avances, effectivement l'horreur nazie a un caractère unique dans l'histoire, jamais la haine raciale n'a été poussée à ce paroxisme dans le sens où elle a été intégrée non seulement dans une idéologie mais aussi dans une société, y compris dans ses pans économiques (de façon industrielle comme tu le soulignes)...
Pour ceux qui me lisent depuis que je suis sur le forum, il est assez évident que je ne suis pas de ceux qui cherchent à tout mélanger pour ensuite minimiser la barbarie nazie et donc la rendre présentable puis excusable... Je me battrai toujours contre les tentatives de banalisation révionnistes.
Mon propos n'avait pas du tout la volonté de mettre tout le monde dans le même sac... et s'il est un sujet sur lequel il est aisé de mal interpréter des propos (ou de mal les formuler), je crois que c'est bien celui-ci...
En lisant une publication, reçue à mon boulot ce matin ("Le génocide des tutsis du Rwanda: une abjection pour l'humanité, un échec pour les humanitaires" Humanitaire, printemps été 2004 numéro 10, page190), j'ai lu le texte suivant, que je me permets de recopier car il illustre relativement bien ce que je voulais dire. Cet extrait vient d'un article / fiche de lecture sur les actes d'un colloque dont voici les références : Catherine Coquio (Dir.) L'histoire trouée - négation et témoignage. Ed L'Atalante, 2004, 860 pages.
"Ceux qui s'acharnent ainsi à nier le crime le plus radical et le mieux documenté que l'humanité ait jamais connu sont animés par une frénésie antisémite dévorante. Mais il existe un racisme ordinaire qui se limite à une indifférence vaguement méprisante, une simple distraction exempte de franche malignité. Comme le remarque Yves Ternon, nul ne prend vraiment la peine de nier le génocide des Tziganes perpétré par les nazis en même temps que celui des Juifs; on ne se préoccupe guère en effet de ces associaux : "Pour les Tziganes, l'indifférence rend superflue la négation".
C'est ce genre d'inattention, ce "recul imperceptible et non pensé mais massif et collectif" qui rend certains peuples "politiquement invisibles". L'Europe paraît ainsi incapable d'accorder aux morts et aux souffrances africaines, qu'ils soient dûs au Sida ou aux massacres interethniques " un poids à la mesure de l'ampleur du désastre... il semble que tout un continent s'est estompé, plongé dans une brume sans contour".
Voilà en somme, ma démarche personnelle n'est donc pas de mettre tout le monde dans le même sac pour faire croire que "ce n'est pas si grave que cela"... Mon approche est plus positive dans le sens où je pense que mon devoir de mémoire "à moi" doit se porter à tous, que l'horreur absolue se trouve aussi au Rwanda, au Cambodge et malheureusement en bien des points du globe...
Et je pense que se battre pour la mémoire de tous n'est pas nuisible en soi et c'est pas parce qu'il y des massacres "a foison dans l'histoire de l'humanité" qu'il ne faut pas se révolter contre cela, sauf à considérer que c'est un combat perdu d'avance parce que c'est dans les gènes de l'homme..
Oublier les disparus serait les tuer une seconde fois