Je mets ici en débat mon dernier édito : http://www.delpla.org
Par la même occasion, je crée un embranchement dans un débat antérieur, concernant le pacte germano-soviétique : viewtopic.php?f=42&t=18056&p=238812#p238812
La dernière intervention était celle-ci :
Muntz a écrit:Bonjour:
2 septembre 1939, après-midi
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
" [...] A dix-huit heures, Halifax téléphona à Sir Eric Phipps, ambassadeur de Grande-Bretagne à Paris: "Le gouvernement britannique ne peut attendre quarante huit heures. L'attitude française embarrasse considérablement le gouvernement de Sa Majesté".
Elle menaçait même de devenir dangereuse deux heures plus tard, lorsque Chamberlain se leva pour s'adresser à la Chambre des Communes, dont la majorité des membres, quelle que fût leur appartenance politique, supportaient difficilement le retard des Anglais à faire honneur à leurs obligations. Leur patience fut presque à bout après que le Premier Ministre eut parlé. Il informa en effet la Chambre que les Allemands n'avaient pas encore donné leur réponse. Si aucun message de Berlin ne venait donner l'assurance que l'Allemagne consentait à retirer ses troupes de Pologne, le gouvernement se verrait "contraint de prendre des mesures". Si le retrait des troupes était admis, le gouvernement britannique, dit-il, "consentirait à considérer la situation comme identique à ce qu'elle était avant que les armées allemandes ne franchissent la frontière polonaise". En attendant, ajouta-t-il, le gouvernement restait en communication avec la France au sujet du délai qu'il convenait de fixer dans leur avertissement à l'Allemange.
Après trente-neuf heures de guerre en Pologne, la Chambre des Communes n'était pas d'humeur à accepter des tactiques aussi dilatoires. Un relent de Munich semblait émaner du banc du gouverment. "Parlez au nom de l'Angleterre!", cria Leopold Amery, au nom des conservateurs, alors que le chef effectif de l'opposition travailliste, Arthur Greenwood, se levait pour prendre la parole.
"Je me demande pendant combien de temps encore nous allons tergiverser ainsi, déclara-t-il, à un moment où la Grande-Bretagne et tout ce quelle représente ainsi que la civilisation humaine sont en peril... Nous devons marcher avec les Français..."
C'était là le hic. Il s'avérait plutôt difficile, à cette heure, de décider les Français à marcher. Mais Chamberlain fut à ce point bouleversé par la colère du parlement qu'il intervint dans l'âpre débat et expliqua qu'il fallait du temps pour synchroniser avec Paris les "pensées et les actes" par téléphone. "Je serais horrifié, ajouta-t-il, que la Chambre puisse penser un instant que la déclaration que je viens de lui faire révélait la moindre défaillance de la part de ce gouvernement comme de celle du gouvernement français." Celui-ci, dit-il, "siégeait en ce moment" et on en attendait une communication au cours des prochaines heures. Il tenta, en tout cas, d'apaiser l'émotion des représentants: "Je prévois que je ne pourrait faire demain à la Chambre qu'une seule réponse.. et j'ai le ferme espoir que la Chambre est persuadée que je parle en toute bonne foi..."
L'inexorable approche de la plus grande épreuve de l'histoire d'Angleterre fut annoncée, ainsi que le nota plus tard Namier, "d'une manière étrangement hésitante".
Chamberlain savait fort bien, les documents confidentiels britanniques le montrent clairement, que de graves dissentiments existaient entre son peuple et lui et qu'en cette heure critique pour le pays son gouvernement était en grand danger d'être renversé.
A peine eut-il quitté les Communes qu'il appela Daladier au téléphone. La communication fut enregistrée à vingt et une heures cinquante et Cadogan, qui était à l'écoute, en dressa un procès-verbal destiné aux archives.
Chamberlain: "La situation ici est très sérieuse... La séance à la Chambre a été orageuse... Si la France persiste à faire courir les quarante-huit heures à partir de midi demain, mon gouvernement ne serait plus maître de la situation ici."
Le Premier Ministre dit qu'il comprenait parfaitement que c'était à la France de supporter le poids de l'attaque allemande. Mais il était convaincu qu'il faudrait prendre une initiative quelconque dans la soirée.
Il proposa un compromis... Un ultimatum à huit heures demain matin... expirant à midi...
Daladier répliqua qu'à moins que les bombardiers britanniques ne puissent entrer immédiatement en action, il serait préférable pour les Français qu'on retarde si possible de quelques heures les attaques contre les armées allemandes.
Moins d'une heure plus tard, à vingt-deux heures trente, Halifax appela Bonnet. Il supplia les Français de consentir au compromis britannique d'un ultimatum, qui serait présenté à Berlin à huit heures le lendemain (3 septembre) pour expirer à midi. Non seulement le ministre des Affaires étrangères français ne voulut rien entendre, mais il répondit à Halifax que l'insistance britannique en faveur d'une telle précipitation créerait une "impression déplorable". Il exigea que Londres patiente au moins jusqu'à midi avant de présenter un ultimatum à Hitler.
Halifax: "Il est impossible pour le gouvernement de Sa Majesté d'attendre jusqu'à cette heure... Il est très douteux que le gouvernement (britannique) puisse se maintenir..."
La Chambre des Communes était convoquée pour midi, le dimanche 3 septembre, et l'atmosphère de la séance du samedi soir avait démontré à Chamberlain et à Halifax que, s'ils voulaient survivre, il leur fallait donner au parlement la réponse que celui-ci attendait d'eux. A deux heures du matin, l'ambassadeur de France à Londres, Corbin, avertit Bonnet que le cabinet Chamberlain risquait d'être renversé s'il ne pouvait fournir une réponse nette au parlement. Halifax, à la fin de sa conversation téléphonique avec Bonnet, avait donc averti celui-ci que la Grande-Bretagne envisageait "d'agir de son côté".
(William L. Shirer: Le Troisième Reich: des origines à la chute, tome II, pp. 24-26, Stock, Le Livre de Poche, Paris, 1976).
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
1º.- Chamberlain ne voulait pas déclarer la guerre à l'Allemagne et Hitler le savait bien.
2º.- Chamberlain a été obligé de déclarer la guerre à l'Allemagne par son propre parlement. Il faudra bien démontrer avec des preuves à l'appui -et non pas à partir d'interprétations plus ou moins romanesques- que Hitler savait aussi que la Chambre des Communes au complet allait prendre position contre son propre Premier Ministre.
3º.- L'interprète Paul Schmidt n'était pas à Londres le 2 septembre 1939, mais à Berlin. Pourtant, le Hitler contrarié par la déclaration de guerre britannique qu'il décrit ne contredit pas la description que Dahlerus fait de Hitler le 1er septembre, pendant une rencontre privée après l'intervention de Hitler au Reichstag.
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
"[...] L'omniprésent Dahlerus, qui était à la remorque de Goering, le trouva [Hitler] "dans un état d'extrême nervosité et grande agitation".
"Il me confia (écrivit par la suite le médiateur suedois) qu'il avait toujours soupçonner l'Angleterre de chercher la guerre. Il me dit ensuite qu'il écraserait la Pologne et en annexerait la totalité.
Il s'excita de plus en plus et commença d'agiter les bras en me hurlant au visage: "Si l'Angleterre veut se battre pendant un an, je combattrai un an; si elle veut se battre pendant deux ans, je me battrai pendant deux ans." Il s'arrêta, puis se mit à hurler, sa voix poussant jusqu'à l'aigu, et avec des gestes de bras frénétiques: "Si l'Angleterre veut se battre pendant trois ans, je me battrai pendant trois ans..."
Les mouvements de son corps commencèrent à suivre ceux de ses bras et lorsqu'il mugit enfin: Und wenn es erforderlich ist, will ich zehn Jahre kämpfen (Et, s'il le faut, je me battrai pendant dix ans!) il brandit le poing et se pencha en avant à en toucher presque le sol."
(Ibidem, pp. 10-11.)
>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>
Si Hitler était sûr de la déclaration de guerre britannique, alors pourquoi est-il monté en colère ainsi? Et pourquoi doit-il dire en privé au Suédois qu'il "soupçonner l'Angleterre de chercher la guerre"? Pourquoi accuse-t-il les Anglais d'être des traîtres? Voilà qui colle très mal avec cette soi-disante "clairvoyance" de cet aventurier politique nazi.
Et, enfin, puisqu'il était si claivoyant, pourquoi a-t-il annulé l'attaque du 26 [je me permets de corriger une coquille FD] août, la rapportant au 1er. septembre?
Cordialement,
Muntz
première et rapide réponse : ce que vous décrivez ici peut tout aussi bien être des scènes de grand-guignol que des réactions sincères. Comment être sûr de ladite sincérité ? Pour ma part je travaille depuis une vingtaine d'années cette question capitale, que peu de gens s'étaient posée.
Depuis 1945, l'attitude générale devant le nazisme, du pékin au spécialiste, consiste à prendre au sérieux et à croire sincère (souvent sans même se poser la question) tout propos nazi pouvant être moralement retenu contre ses auteurs.
A mon avis, la comédie doit être soupçonnée partout, et le diagnostic établi au cas par cas, en recoupant tous les éléments possibles. Mais la plus sûre boussole est le repérage, chez ces conquérants redoutables et, fin mai 40, quasiment victorieux, d'une logique stratégique.
Ainsi ces colères et hésitations apparentes, entre le pacte g-s et l'éclatement proprement dit de la guerre le 3 septembre, procèdent à mon avis du souci primordial de faire croire que l'Allemagne entre en guerre à contre-coeur, afin de dissimuler le fait qu'elle en est enchantée, et que son chef touche, tout bonnement, à l'avant-dernier stade de son programme... lequel serait fort compromis s'il était compris.