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La Résistance, une affaire de femmes

Cette rubrique renferme tout ce qui concerne le front ouest du conflit, y compris la bataille des Ardennes ainsi que les sujets communs à tous les fronts tels, les enfants et les femmes dans la guerre, les services secrets, espionnage...
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La Résistance, une affaire de femmes

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de Daniel Laurent  Nouveau message 07 Aoû 2007, 13:53

La Résistance, une affaire de femmes


Huguette Coudré, Claudine Delamare (Coudré), Marie-Rose Payen, trois jeunes femmes qui, à leur manière, se sont engagées pour combattre l’ennemi et défendre leur pays durant la Seconde Guerre mondiale. Elles avaient pour nom de guerre «Hugues Capet», «Claudine à l’école», «Rose-Marie». Elle appartenaient toutes trois au réseau de la Résistance «Samson» dirigé dans la région dieppoise par Jean Puech.

Comme tous ceux qui ont tissé ces réseaux à travers la France pour faire front à l’occupant entre 1940 et 1944, Huguette, Claudine et Marie-Rose l’ont fait, bien sûr, dans la plus grande clandestinité et avec un courage qui force aujourd’hui l’admiration.

Un courage et un dévouement qui ont été reconnus puisque le 18 juin 1945, toutes trois se trouvaient à Paris, place de la Concorde, invitées à assister à la prise d’armes et au défilé militaire à l’issue desquels elles allaient recevoir des mains du Général Juin (celui qui allait être fait Maréchal de France en 1952), la Croix de Guerre avec étoile bronze, la Croix de la Résistance et la Médaille commémorative française de la guerre 39-45 avec barrette «Libération». On leur reconnaissait : «Citée à l’Ordre du régiment. Agent P1 d’un grand dévouement. N’a pas hésité à agir en territoire occupé par l’ennemi dans des circonstances périlleuses, réussissant des missions exceptionnellement dangereuses. A rapporté des renseignements d’une grande utilité» et c’était signé du Général Juin, chef d’Etat-Major Général de la Défense nationale.

Les oubliés de la guerre ?

Il y a quelques semaines, Marie-Rose Payen s’est éteinte dans sa quatre-vingt-dixième année à la maison de retraite des Grandes-Ventes, emportant avec elle ses souvenirs, car nombreux étaient ceux avec qui elle avait évoqué cette partie de sa jeunesse. Marie-Rose est toujours restée discrète. Elle a vécu quarante ans à Offranville dans la grande maison rue de la Libération, près du carrefour des boulangers et beaucoup d’Offranvillais ont dû être surpris, lors de son décès, de découvrir le rôle qui fut le sien.

Claudine Delamare, elle, demeure à Saint-Pierre-Bénouville et sa sœur Huguette Coudré est restée à Bacqueville-en-Caux, dans la maison de leurs parents, garagistes, qui avait été réquisitionnée par les Allemands. C’était là que se tenait la Kommandantur.

Elles non plus ne tirent aucune gloire de leur action, comme si c’était presque naturel. «Moi, maintenant, c’est du passé, c’est fini, cela reste en moi», explique Huguette, un peu amère tout de même : «Nous avons la Croix de Guerre, nous sommes anciens combattants, et nous avons droit à la retraite des anciens combattants (2 000 F par an), et pourtant, nous ne sommes pas acceptées au sein des associations d’anciens combattants». D’ailleurs, Huguette ne porte jamais les décorations qui lui ont été remises.

A l’inverse, Claudine, elle, est plutôt fière de les porter à l’occasion des manifestations patriotiques. «A Dieppe, pour le 60e anniversaire du débarquement, je les porterai».

Si Claudine n’évoque jamais ces années de sa jeunesse avec son entourage, elle l’a fait avec ses petits-enfants. Et son petit-fils, Franck, 25 ans, trouve comme elle que les résistants sont «les oubliés de la guerre».
En effet, eux n’ont pas agi au grand jour et il en est certainement un grand nombre qui ont effectué un véritable travail de fourmi au sein des réseaux de la Résistance, restant à jamais dans l’ombre.

La peur ? «Non, nous connaissions l’ennemi»

Aujourd’hui, à l’occasion des cérémonies du 60e anniversaire du débarquement du 19 août 1942, les deux sœurs restées tout aussi discrètes que leur amie se souviennent.
«Peur ? Non, nous connaisssions l’ennemi, nous l’avions devant nous», raconte Huguette. L’insouciance de la jeunesse ? Peut-être, mais il y avait là, certainement, la volonté farouche de ne pas baisser les bras, de ne pas se soumettre devant l’occupant.

«Les Allemands nous interdisaient de circuler, alors, pour nous, c’était justement l’occasion» déclare Claudine qui ajoute encore : «Et le 14 juillet, on s’habillait toutes en bleu, blanc, rouge».

«Avec Marie-Rose, nous nous sommes connues en 1940», racontent les deux sœurs. «Toute la famille Payen venait de Poix, dans la Somme, pour s’installer à Bertreville-Saint-Ouen sur une exploitation agricole appartenant à M. De Witasse De Thezy. Un jour, Marie-Rose est venue chez nous au garage à Bacqueville et nous a proposé de faire des promenades à bicyclette. Il y avait là un groupe d’une quinzaine de jeunes. Nous partions tous les dimanches. Quand c’était la saison, nous allions jusqu’à Duclair pour chercher des cerises. On mettait tout en commun pour le pique-nique. Le soir, on s’arrêtait à Varvannes, connu pour son cidre», poursuit Claudine.

Puis, le courant est passé avec Marie-Rose plus qu’avec les autres. «Certainement à cause du football. Le frère de Marie-Rose, Michel, était joueur au FCD, puis, quand il a joué à Rouen, il a été international et nous, nous étions des fanas du foot. Alors, on connaissait déjà un peu la famille Payen» raconte encore Huguette.

Avec Jean Puech «Daguerre»

Puis c’est la rencontre avec Jean Puech (fils). Jean Puech (père), maire de Neuville-lès-Dieppe, expert automobile, venait souvent au garage Coudré. Il était ami avec le grand-père de Claudine et Huguette. «Jean Puech, le père, a assisté au débarquement du 19 août 1942 dans le clocher de l’église de Neuville avec le prêtre, et pourtant, ils ne s’aimaient guère. Mais dans ces moments-là, n’est-ce pas ? Après, M. Puech a fait relever tous les cadavres des Canadiens qui étaient dans la fosse commune et a fait faire des tombes. Une par soldat. Jean Puech, père, est mort à Dachau où il avait été déporté pour avoir refusé de livrer la liste des jeunes Neuvillais bons pour le STO», se souviennent les deux sœurs.

«Le fils, prisonnier, est revenu après le 19 août. Il avait déjà un réseau de Résistance et il a pensé à nous. Nous lui avons alors présenté Marie-Rose. C’est ainsi que tout a commencé», poursuit Claudine.

Le réseau Samson

C’est le nom du réseau dirigé par Jean Puech, au sein duquel ont œuvré les trois jeunes femmes, après «Libé-Nord», puis «Alliance» qui furent dissous. «Samson, c’était le nom du colonel Masson que nous ne connaissions pas. Bien sûr, nous ne marchions que sous des noms de guerre», explique Claudine.

Recueillir, héberger, cacher, habiller, ravitailler, porter des messages, repérer les mouvements des troupes et même procurer de faux papiers, c’était cela le travail des résistants, leur engagement.

«C’est vrai, on était un peu «culottés», avoue Huguette, d’autant que la Kommandantur était chez nous. On cohabitait. Les Américains que nous avions récupérés étaient cachés au troisième étage et au rez-de-chaussée, les Allemands préparaient leurs repas sur la même cuisinière que maman.» «Même mon mari - nous n’étions pas encore mariés à l’époque -, qui venait chez nous, ne s’est jamais aperçu que maman préparait de grands paniers de ravitaillement qui montaient au troisième», ajoute Claudine qui a sillonné la région en vélo, portant des messages dans le guidon.

«Toutes les semaines, nous avions un jeune du réseau qui venait à la maison. Il y prenait ses repas mais n’y dormait pas et nous, nous cachions son poste-émetteur dans le coffre-fort», ajoute-t-elle.
Dans la famille Payen, à Bertreville-Saint-Ouen, le même combat se poursuivait. «Chez les Payen, c’était aussi la porte ouverte. On cachait, on ravitaillait. En fait, c’est grâce à nos parents si nous avions ça aussi dans la peau. Maman faisait la soupe pour tous et il y avait toujours du bon beurre. Mme Payen, elle, s’est remise à faire le beurre en cachette dans un pigeonnier» raconte encore Claudine.

M. Payen, alors maire de Bertreville, a même mis à profit sa position de premier magistrat pour fabriquer de faux papiers à l’usage des aviateurs que le réseau Samson recueillait et cachait, avant de les aider à regagner l’Angleterre. «Toutes les semaines, nous sommes allés voir un Ecossais qui avait trouvé refuge dans la famille Hamilton à Sainte-Foy. Nous portions du ravitaillement. Durant quatre ans, il a vécu dans un placard, ne sortant que la nuit. Chez les Payen, on cachait également des jeunes qui devaient partir pour le STO. Et puis dans notre réseau, il y a eu à un certain moment un dénommé Petit qui travaillait pour l’entreprise Lanfry à la restauration de l’église d’Auffay. Il avait fait une cachette tournante dans l’un des piliers», poursuivent encore les deux sœurs.

Il fallait être imaginatif, inventif, tout était bon pour faire front à l’ennemi. Quant à Michel Payen, engagé, il a fait le débarquement en Algérie où il fut grièvement blessé, son tank a sauté. Plus, il gagna l’Angleterre pour faire ses classes comme parachutiste et fut parachuté sur le Morbihan le 6 juin 1944. Il est parti, lui aussi, quatre mois avant sa sœur Marie-Rose. Et les deux sœurs d’évoquer encore mille et une anecdotes qui ont émaillé ces quatre années de leur jeunesse : les bombardements, les V1 et V2, la cave de la maison familiale qui servait de refuge au voisinage, le petit avion qui venait chercher Pierre Brossolette (un résistant bien connu des Dieppois), dans un petit champ à Sainte-Foy, pour l’emmener en Angleterre.

Des souvenirs plus cruels aussi, mais que nous tairons. Et pourtant, de ces quatre années et de tout ce travail qu’elles ont accompli à la base, comme tant d’autres, elles n’en tirent aucune gloriole.

«Je pense que les parents, les nôtres, comme ceux de Marie-Rose, ont fait leur part aussi. Eux aussi auraient mérité les distinctions que nous avons reçues» conclut Claudine.

http://www.infos-dieppoises.fr/Archives ... Femmes.htm


 

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