François Delpla a écrit:Il ne s'agit pas de contester pour contester, et ce serait à d'autres que moi de développer, mais le fait est que malgré des aspects que je suis le premier à trouver désagréables (sinon je serais maso), nous ne tournons pas complètement en rond et, au contraire, touchons un point essentiel, et même LE point essentiel.
Encore faudrait-il ne pas déformer les propos de votre interlocuteur, et tenir compte de certaines réalités historiques...
Le nazisme est-il une folle aventure ? Dans ce cas pas de panique, il suffit de ne pas se coucher, Roosevelt est quasiment aussi bon que Churchill, Pie XII est un raisonnable qui sait durer, Staline même a du sang-froid, s'il manque parfois un peu de discernement.
Tout à votre souci de l'étiquetage idéologique, vous délirez complètement. J'ose vous rappeler que vous êtes le premier à qualifier le nazisme d'
"entreprise inhumaine et folle",
sur la page de garde de votre site.
Qui plus est, j'estime que si Hitler a si bien manipulé son monde, c'est pour mieux écraser l'URSS - et vous adhériez à cette hypothèse dans votre biographie de Hitler parue chez Grasset en 1999 - outre d'exterminer les Juifs, ses deux rêves de toujours. Ce qui ne m'amène pas pour autant à prêter ces qualités aux dirigeants que vous énumérez.
Bref, vous racontez strictement n'importe quoi. De telles inepties sont extrêmement révélatrices, de votre mode de pensée binaire d'une part, des limites de votre argumentation d'autre part.
La France pétainiste, en revanche, est digne de tous les anathèmes, elle n'est dirigée que par des salauds d'antisémites qui guettaient depuis 40 ans le moyen de se venger de Dreyfus et qui vite vite profitent de la fenêtre d'opportunité de l'occupation.
Ah ? Parce que tel n'était pas le cas ? Encore que ce qui était attendu, c'est moins l'occupation que la défaite de cette République honnie.
Attention, François, un tel paragraphe - puisque vous ne semblez pas être en accord avec l'idée émise - peut vous mener très loin...
Ou bien c'est Hitler qui a du sang-froid et du discernement, qui sait sérier ses objectifs, engranger l'essentiel et laisser au lendemain ce qui peut attendre. Dans ce cas, en mai 40, il touche au but et il n'y a qu'une politique antinazie possible, mais elle est quasi-impossible à mettre en oeuvre : continuer la guerre bien qu'elle semble très mal partie. Sinon, c'est la stabilisation du nazisme, et pour un bail.
Encore une fois, une telle thèse relève de l'impossible. Hitler sait que le temps joue contre lui, puisque l'URSS réarme, outre d'avancer ses pions en Europe de l'Est (sécurisation de Leningrad, annexion baltique et bessarabienne). Et non content d'épargner la France, qui sort du conflit avec un potentiel militaire intact et un territoire national entier, outre qu'elle sauve son empire colonial et notamment l'Indochine, il renoncerait à envahir ces territoires orientaux qui lui tendent les bras ?
Ca ne tient pas debout, François. Purement et simplement.
Pour en avoir le coeur net, il faut examiner ce que serait cette paix et c'est là que j'attends Nicolas, mais aussi vous tous.
Je me suis déjà expliqué là-dessus.
Il est en difficulté, je veux dire dans l'argumentation et non dans l'affrontement de personnes, Nicolas.
Si vous le dites...
Relisez : d'abord il nous dit que Pétain arriverait de toute façon au pouvoir, Mandel et Reynaud et de Gaulle étant balayés comme fétus. Il a dû en rabattre là-dessus.
"En rabattre" ? Qu'en de jolis mots ces choses là sont dites ! Mais je croyais que, d'après vous, notre débat tenait précisément du débat et non du comptage de points ?
Pour rappel, je suis encore certain que Pétain aurait pris le pouvoir, et que Reynaud et Mandel auraient été écartés, en temps que responsables officiels de la défaite. Mais ainsi que je l'écrivais :
"je peux concéder que Reynaud et Mandel auraient peut-être réussi à se maintenir au pouvoir, mais je n'imagine pas ces deux-là cohabiter avec Hitler".Effectivement, quel recul !
Continuons : la défaite en mai, ce n'est pas la même qu'en juin. Enlevez l'exode, vous enlevez l'image d'un pays qui s'effondre comme un château de cartes. Vous permettez à des gouvernants, qui n'ont aucune raison de quitter un pouvoir où ils ont été privés des premiers rôles jusqu'à la fin de mars, de mettre l'accent sur le fait que la victoire est celle des divisions blindées contre leur absence... alors que Reynaud et surtout de Gaulle les ont réclamées.
Déjà répondu. Voir ci-dessus.
Nicolas dit aussi que la paix traîne, que Hitler essaye de prendre des garanties de toutes sortes contre le "bellicisme".
Là, je ne vois pas à quoi vous faites allusion...
Là-dessus, je m'aperçois que le document exhumé par Costello en 1991 n'est pas encore assez connu. Et je me décide à le republier :
Offres éventuelles de paix de l'Allemagne
M. Nordling, consul général de Suède à Paris, (...) s'est joint à une mission suédoise qui comprenait M. Dahlerus, industriel connu pour ses relations avec le maréchal Göring (...)
Le lieutenant du Führer a exprimé l'avis que toute paix était impossible dans les conditions qui régnaient alors. Il a ajouté cependant que si la guerre était portée en Belgique et si l'armée allemande parvenait à s'emparer de la côte belge et de Calais, le Führer ferait une proposition de paix. Il demanderait l'annexion d'Eupen, de Malmédy, du bassin de Briey, ainsi que l'attribution de colonies au Reich. Pour le reste, il se contenterait, dans l'ensemble, du maintien du statu quo avant les hostilités.
Si la France repoussait ces propositions, la guerre serait éténdue aux pomulations civiles et le peuple français "appprendrait ce qu'il en coûte d'être mal dirigé".
Calais est atteint le 23. L'offre est à saisir. Elle ne saurait s'aggraver, mais plutôt s'adoucir : on sait que Hitler se moque des colonies, il lâcherait bien du lest là-dessus, de même que sur Briey, s'il tombait sur des négociateurs français ou britanniques un peu fermes. C'est bien une offre faite pour être saisie sans examen ni longues tractations. Un Blitzkrieg de paix. En tout cas il ne veut pas l'Alsace-Lorraine et cela déjà, après un désastre comme celui des armées du nord, est inespéré pour tout gouvernement français. Dia-bo-lique ! d'ailleurs autant qu'on le sache, personne à Paris ne songe à discuter. C'est bien l'Angleterre seule, et là-bas Churchill presque seul, qui maintiennent l'état de guerre.
A ce papier qui expose la version nazie de l'offre de paix, telle qu'elle doit être formulée à un diplomate neutre pour mieux séduire sur le moment deux puissances qui ne sont pas encore vaincues, je préfère cette citation de
Mein Kampf (p. 652-653) :
Autant nous sommes tous aujourd'hui convaincus de la nécessité d'un règlement de comptes avec la F'rance, autant demeurerait-il inefficace pour nous dans son ensemble, si nos buts de politique extérieure se bornaient à cela. On ne saurait l'interpréter que comme une couverture de nos arrières pour l'extension en Europe de notre habitat. Car nous ne saurions résoudre cette question par l'acquisition de colonies, mais exclusivement par l'acquisition d'un territoire de peuplement qui accroisse la superficie même de notre mère-patrie. En outre, non seulement on assurera par là l'intime solidarité des nouveaux colons avec la métropole, mais on procurera à l'ensemble du territoire total les avantages qui résident dans sa grandeur unifiée.
Ce qui, je pense, se passe de commentaires.
Mais histoire de bien enfoncer le clou, je rappellerai ceci : de
Mein Kampf à Sedan, Dunkerque puis Rethondes, toute la politique du
Führer envers ce pays qu'il qualifie d'
"ennemi mortel du peuple allemand" noyauté par les Juifs et les
"Nègres" est de le vaincre pour le mettre hors de combat, afin de mieux dégommer l'Union soviétique.
Il est totalement absurde de prétendre que Hitler se contenterait d'une paix blanche à l'Ouest, sans le moindre avantage : en ce cas là, la guerre qui éclate avec Paris et Londres le 3 septembre 1939 n'aurait servi à rien. Hitler ne peut risquer le moindre retour au
statu quo, sous peine de voir la France tirer les leçons de ses erreurs et préparer la revanche, comme après 1870.
Dans l'hypothèse de la paix, Churchill reste vivant, Mandel au pouvoir... et Hitler prépare comme si de rien n'était une attaque de la dernière violence contre l'empire soviétique, en se donnant tout de même un an de battement ?
Des attaques de la dernièe violence, Hitler a été capable d'en commettre : contre la Pologne tout d'abord, contre le Bénélux ensuite - et je ne cause pas de la Norvège.
Et il lui faut bien un an pour se préparer, puisqu'il lui faut satelliser les Balkans et préparer le terrain, aussi bien en Allemagne qu'en Angleterre et en France !
Non, vraiment, pour ce faire, il faudrait que ce texte soit une ruse, que Hitler lui-même ait l'intention d'occuper la France... voire compte sur l'arrivée au pouvoir de Churchill ! (la conversation Göring-Dahlerus est probablement du 6 mai, soit sous Chamberlain).
Toujours ce même raisonnement binaire... Gonflant, mais surtout révélateur, disais-je.
Mais allez-y, François : expliquez donc au public ébahi que Hitler comptait signer une paix sans le moindre avantage avec la France, et aurait cohabité avec la IIIe République dirigée par un gouvernement d'union nationale passablement germanophobe.
Bref, il faudrait nous démontrer que Hitler est prêt, littéralement, à saccager sa victoire. Un genre de Louis XV après Fontenoy, en d'autres termes.