François Delpla a écrit:cher AM,
voilà un rappel sans doute utile de l'écume des choses, un bouquet des raisons d'incriminer Rundstedt en mettant bout à bout des documents bruts.
Resterait à intégrer cela ans un raisonnement historique qui décrypte les raisons de chacun des acteurs impliqués.
On se demande en particulier pourquoi un commandant en chef de la Wehrmacht aussi jaloux de son autorité se laisserait tout d'un coup paralyser par un général comme Rundstedt, et en épouserait les prudences.
Cher FD,
désolé de vous répondre tardivement mais le travail et d'autres priorités ne m'ont guère laissé de loisirs.
Intégrer cela à un raisonnement historique consiste à noter quelques points importants du développement du plan puis de l'offensive allemande :
1) en premier lieu, l'introduction d'un échelon blindé opératif ( panzergruppe qui reste encore en théorie subordonné à une armée classique ) est une nouveauté ( due à Halder ) qui laisse sceptique de nombreux grands chefs ( Rundstedt en particulier )
2) la planification de l'opération ne va pas au delà de la prise de têtes de ponts sur la Meuse : la suite de l'opération est la conséquence d'un clash entre Halder et Rundstedt quant à l'introduction de l'armée de réserve ( clash tranché par Brauchitsch en faveur de Rundstedt ) et d'un compromis entre Halder ( qui "impose" la poursuite de l'offensive vers Amiens ) et Hitler ( qui impose à renoncer à tourner une partie des troupes au sud-ouest et réoriente certains corps d'armées vers le sud en protection des flancs mais renonce à réorienter l'offensive vers le nord ouest ).
L'exploitation est donc une série de décision ad-hoc qui génère des tensions et des réflexions quelque peu contradictoires
3) la planification de l'opération "rouge" a lieu entre le 17 et le 26 mai ( Hitler intervenant à partir du 21 mai dans le processus )
Bref :
- Rundstedt montre tout au long de l'opération des doutes quant à l'emploi des blindés "en pointe" hors du soutien de l'infanterie, de surcroit il craint une contre-attaque française venant du sud et pense que son travail est terminé après avoir atteint la mer ( je renvoie à la biographie de Rundstedt par Messenger )
- Hitler montre une crainte initialement pour la 16ième armée ( voir Keitel et Halder sur ce point ) puis une quasi-panique lors de l'exploitation de la percée sur la Meuse ( il aura un comportement assez similaire un an après lors de Barbarossa ) à propos des flancs ( nord et sud ) du Groupe d'armée A ( GA A ) spécifiquement entre le 14 et le 18 mai
A compter du 21 mai, la planification de "Rouge" ( la poursuite de la conquête de la France ) est un facteur important de sa réflexion ce qui se traduit par une volonté d'épargner les blindés dans le journal du GA A
- Je ne vois pas où Hitler se laisse imposer quoi que ce soit : les positions de Rundstedt et Hitler sont très proches lors de la préparation de l'offensive ( à l'exception de la manière de parer la probable contre-offensive française venant du sud ) puis lors de l'offensive elle même