C'est un peu court, jeune homme !
Comme toujours, je suis heureux de lire une première remarque critique sur un texte de moi, même et surtout si je l'ai longtemps attendue, et je suppose que les lecteurs d'Histomag partageront ma joie.
Tout d'abord il conviendrait de ne pas déformer ceci :
L’historien militaire Karl-Heinz Frieser est connu hors
d’Allemagne, et fréquemment encensé, pour un seul
livre, déjà assez ancien :
Blitzkrieg-Legende
(1995),
traduit en français en 2003 sous le titre
Le Mythe de la
guerre-éclair
.
Je n'ignore point le travail de Frieser sur la guerre à l'Est et on devrait pouvoir retrouver quelques écrits où je déplore qu'il ait abordé l'autre front sans un bagage suffisant.
Ensuite, peut-on dire que "tout ce qui touche" à une armée est convenablement traité quand son commandement, tant par le pouvoir politique que par ses propres chefs, est présenté de façon schématique et souvent erronée ? Quand cette armée entreprend une guerre conforme à un manifeste publié quinze ans plus tôt par le futur chef, et de l'Etat, et d'elle-même, et que l'auteur n'en dit rien ?
Dans le message auquel tu es censé répondre je ne parle d'ailleurs pas d'"erreurs" mais de nullité : c'est plus adéquat pour rendre compte d'un ouvrage qui néglige des pans entiers de son propre sujet.
Quant à Tooze, ouille, à quoi me suis-je engagé ?! Heureusement je n'ai pas précisé de délai ! Je me contenterai donc pour l'instant d'une remarque.
Dire que les chars représentent 8% des dépenses d'armement, les armes classiques et leurs munitions beaucoup plus, et en déduire que Hitler avait à l'esprit autre chose qu'un coup d'assommoir rapide contre la France, c'est précisément ne pas voir l'essentiel : la capacité de cet homme à rassembler sur un secteur, au meilleur moment, une force capable d'obtenir la décision, alors que l'ennemi l'attend partout et nulle part.
Pour l'analyse des directives, ta propre réponse confirme que tu en fais une lecture au premier degré ou, autrement dit, à deux dimensions, en ignorant celle du temps.
Hitler doit à la fois convaincre ses généraux qu'il est temps et qu'ils ont les moyens de reprendre le match de 1918 (donc qu'ils se battent tout autant contre l'Angleterre que contre la France), et leur mettre le doigt dans un engrenage qui débouche sur l'anéantissement de la seule puissance française. Pour cela, il fait mine de ne vouloir conquérir dans un premier temps que le Benelux et un bout limité de France, et de le faire pour disposer de bases contre l'Angleterre.
Toute autre lecture rabat le Troisième Reich et sa guerre sur le Deuxième et la sienne. Je veux bien, moi, mais à condition qu'on me dise ce que Hitler veut en engageant cette guerre.
Pour Frieser c'est simple : il ne l'engage pas ! Il s'imaginait qu'on allait encore , après la Tchécoslovaquie, le laisser occcuper la Pologne.