Post Numéro: 31 de Dog Red 01 Avr 2014, 13:26
Pour répondre à la question de Benoît sur l'atout russe,
La robustesse de l'Armée rouge me paraît son plus solide atout pour résister à l'attaque que fantasme PATTON. Le fougueux général qui en mai 45 s'ouvre au sous-secrétaire d'état à la défense insiste sur l'urgence d'attaquer ("ils" se renforcent pendant que nos boys rentrent à la maison) et est convaincu que la seule carrence logistique de l'Armée rouge perdra celle-ci très court terme. Il rejoint là l'opinion des Allemands en juillet 1941.
Autre atout, la capacité des maréchaux soviétiques à mener des opérations de grand style. Ils ont appris à la dure des Allemands et peuvent mener des opérations sur des échelles méconnues des Américains. Toute chose restant égale, à comparer les opérations Uranus et Bagration et les bonds successifs jusqu'à Berlin, il y a une maîtrise de l'Armée rouge que l'on ne retrouve pas à l'ouest avec le semi-échec de l'encerclement des armées allemandes en Normandie, la relative facilité avec laquelle les Allemands en déroute franchissent la Seine, l'incapacité des Américains à gagner la course au Westwall, la négligence du XXX Corps britannique à laisser filer les restes de la 15.Armee en Hollande (à travers l'estuaire de l'Escaut). En matière opérationelle, il me semble que les Américains ont à apprendre des Russes.
La capacité de l'Armée rouge à monter de grandes offensives 2 fois par an, été comme hiver. Nouveauté dans l'art de la guerre en Occident non ? En décembre 1944, seules des attaques préparatoires au franchissement du Rhin au printemps sont à l'ordre du jour.
Bref, à court terme et c'est bien endéans ce délai que PATTON s'exprime, l'URSS me semble en mesure de battre les Américains (peu importe les pertes) sur l'Elbe.
Pour revenir au rapport de forces tel qu'il peut être discuté (point de départ de ce fil) :
- les réserves en hommes et matériel US nécessitent leur acheminement en Europe continentale à un rythme soutenu (cf. le désaroi du commandement américain à l'entamme de l'offensive des Ardennes quand il a fallu dégarnir les fronts secondaires pour colmater la brêche, luxe permis face à un Wehrmacht incapable d'en profiter) ;
- les raids de bombardiers stratégiques à la périphérie méridionale de l'URSS feront certes des dégâts et très certainement contre le pétrole du Caucase à portée de B29 mais c'est au moins du moyen terme avec effets à long terme et sans l'économie d'un coûteux affrontement terrestre ;
- les opérations combinées de la flotte (ici aussi en périphérie) avec un rôle certain prioritairement en Baltique (sur le front !) et en Mer Noire mais ce sont des baignoires pour des flottes océaniques et des baignoires soumises au contrôle terrestre des détroits ;
- l'artillerie américaine pèserait de toute son efficacité contre les masses d'infanterie Russe. C'est certain (ajoutons la Proximity Fuse et son effet sur les assauts d'infanterie) mais l'artillerie russe est tout aussi redoutable par sa densité et les orgues de Staline sont autre choses que les Neubelwerfer ; le système HVSS améliore la mobilité du Sherman qui garde cependant son inférioté aux niveaux blindage et calibre ;
- la crise du ravitaillement allié de la fin de l'automne est effectivement conjoncturelle mais l'alimentation d'une offensive vers l'Est resterait durement tributaire de la route tant que le réseau ferroviaire ne serait pas remis en service ; malgré la capacité de production américaine (60% du potentiel mondial de l'époque, c'est indéniable) EISENHOWER a eu des sueurs froides à l'automne 44 lorsque ladite industrie n'a plus été capable de suivre dans l'approvisonement en munitions, face à l'Armée rouge c'est le genre de pénurie qui peut mener loin ;
- je suis l'argument de Benoît quant au rééquilibrage du ratio à 1 contre 2 au niveau divisionnaire mais le ratio reste défavorable et les Américains ne passent à l'offensive que quand ce ratio est de 3 contre 1. Ils n'y sont pas. De plus, dans une division américaine : pour 1 homme qui combat, il y en a 1 dont la tâche est précisément de permettre qu'il combatte, revers d'une armée techniquement moderne et ça joue sur la combativité (PATTON le découvre, étonné, lors d'une étude qu'il commande au niveau de sa 3e Armée) ;
- les comparaisons économie/industrie sont nettement en faveur des Américains à long terme ;
- l'URSS aura effectivement à gérer Polonais, Tchécoslovaques, Roumains, Baltes et Ukrainiens sur ses arrières mais les Américains auront eux aussi des partisans dans le dos et les risques de guerres civiles fomentées par Moscou ne sont pas forcément négligeables (je pense à l'exemple Grec qui nécessite déjà l'intervention de l'armée anglaise début 1945).
Daniel
Hommage à l'Ardenne de Philippe JARBINET