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LES CAUSES D'UNE DÉFAITE, LA FRANCE POUVAIT-ELLE GAGNER?

Tout ce qui concerne la période entre le 3 septembre 1939 et le 25 juin 1940 environ, comme par exemple:
L'offensive de la Sarre, la mobilisation, le Pied de Paix Renforcé, la B.E.F., la campagne de France, l'effondrement de la République et de l'Armée Française, l'exode ...
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Re: LES CAUSES D'UNE DÉFAITE, LA FRANCE POUVAIT-ELLE GAGNER?

Nouveau message Post Numéro: 461  Nouveau message de Dog Red  Nouveau message 30 Mar 2022, 19:42

Jumbo a écrit: En 1940, il n'y a pas moins de 5 armées derrière la LM : (2,3,4,5 et 8ème) qui se feront encercler assez piteusement.


Ne sont-elles pas là pour répondre à deux options ?
1. Hypothèse d'un enroulement de la LM par Marville ;
2. Hypothèse suisse.
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Re: LES CAUSES D'UNE DÉFAITE, LA FRANCE POUVAIT-ELLE GAGNER?

Nouveau message Post Numéro: 462  Nouveau message de alain adam  Nouveau message 30 Mar 2022, 20:08

Alfred a écrit:En principe chaque corps d'armée anglais de 3 divisions devrait avoir 9 groupements ou régiments de DCA.....la France avait acheté des canons anglais de DCA des Vickers de 3,7 inches soit 94 mm pour la DAT et affectés à la défense de Paris car les pièces de 90mm françaises ne sortaient que très lentement


Le BEF disposait au total de : ( en DCA )
-149 canons de 40 Bofors
- 36 canons 2 pdr Mk 8
- 120 canons de 3 inch
- 24 canon statiques de 3.7 inch
- 96 canons 3.7 inch (mobiles)

Le tout était organisé sous la direction de 5 brigades AA ( 1,2,3,4 et 12e ), appuyés par une brigade de projecteurs (5e ) .

Alain
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Re: LES CAUSES D'UNE DÉFAITE, LA FRANCE POUVAIT-ELLE GAGNER?

Nouveau message Post Numéro: 463  Nouveau message de Dog Red  Nouveau message 30 Mar 2022, 20:13

Des moyens sérieux il me semble !
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Re: LES CAUSES D'UNE DÉFAITE, LA FRANCE POUVAIT-ELLE GAGNER?

Nouveau message Post Numéro: 464  Nouveau message de alain adam  Nouveau message 30 Mar 2022, 20:23

Dog Red a écrit:Des moyens sérieux il me semble !


A mettre en perspective avec le nombre de divisions : 12 + 1 blindée, grosso modo une trentaine d'équipements pouvant protéger chaque division( et j'exclue ici les ports, les bases arrieres ... ) .
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Re: LES CAUSES D'UNE DÉFAITE, LA FRANCE POUVAIT-ELLE GAGNER?

Nouveau message Post Numéro: 465  Nouveau message de Dog Red  Nouveau message 30 Mar 2022, 20:49

Ça relativise en effet.
Par rapport aux CA français engagés en Belgique, as-tu aussi des éléments de comparaison ?
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Re: LES CAUSES D'UNE DÉFAITE, LA FRANCE POUVAIT-ELLE GAGNER?

Nouveau message Post Numéro: 466  Nouveau message de Tomcat  Nouveau message 30 Mar 2022, 22:36

Un autre document très intéressant que je vous partage:

Apprendre et périr. La doctrine de l’aviation de bombardement française au prisme des combats.

https://revues.univ-tlse2.fr/pum/nacell ... hp?id=1227

Extraits:

L’orientation défensive impulsée à la stratégie militaire française depuis la fin de la Première Guerre mondiale n’a pas favorisé l’émancipation de l’aviation de bombardement française, exceptée sa composante stratégique avec les bombardiers lourds, perçue et tolérée comme le moyen de dépasser les fronts figés et de porter le feu chez l’ennemi. Paradoxalement, même pensée comme une arme polyvalente au début des années 1930 avec le concept chimérique du BCR, puis largement assujettie aux armées terrestres à la fin de la décennie, l’armée de l’Air n’a jamais été en mesure d’assurer un appui-feu efficace. Son « aviation spécialisée » en est encore au début de l’année 1940 au stade embryonnaire, avec une aviation en piqué inexistante et des appareils d’assaut en sous-effectifs et non conçus pour leur emploi. Même les bombardiers moyens destinés à l’appui indirect ne peuvent espérer mener à bien leurs missions, du fait de leur état suranné (Bloch 210, Farman 222, Amiot 143) ou trop récent (LeO 451, Amiot 354). À l’issue d’une tournée de visites des écoles du bombardement, le général de corps aérien Albert Pastier, inspecteur de l’aviation de bombardement, décrit sans ambages la situation au mois de mars 1940 :

Il m’a paru utile, après avoir achevé la visite des quatre centres d’instruction de bombardement de la métropole, de reprendre les constatations les plus importantes que j’ai pu faire sur la situation actuelle et les possibilités de ces Centres47. Aucun centre ne dispose des cadres nécessaires et ne dispose de matériel d’instruction moderne48 (avions, armement, viseurs, matériel de transmissions) […]. J’ai pu me rendre compte, au cours de mes visites, que les cadres n’étaient pas au courant des enseignements de la guerre49.

28Et pourtant, les enseignements de la campagne de Pologne réalisée six mois plus tôt par la Luftwaffe sont disponibles au GQGA en quantité appréciable. Un rapport évoque en particulier « L’influence décisive de la supériorité aérienne sur le développement des opérations » :

Dès les premiers jours, l’aviation allemande, s’assurant la maîtrise de l’air par l’attaque en vol et au sol de l’aviation adverse, a procédé au bombardement systématique des voies ferrées, des quartiers généraux et des points sensibles du territoire (industries de guerre). L’ensemble de l’opération offensive allemande est caractérisé par une série d’engagements prudents suivis d’une attaque très brutale, menés sur un front étroit par une masse d’engins blindés agissant en liaison étroite avec l’artillerie et l’aviation50.

29De manière encore plus édifiante, les services de renseignement français disposaient en mars 1940 du rapport secret d’une conférence tenue à Berlin en novembre 1939 sur l’emploi de la Luftwaffe en Pologne.

Appui direct et indirect donné par l’aviation à l’armée de Terre : cet appui fut à partir du 3e jour la mission essentielle de la Luftwaffe et il a duré jusqu’à la fin de la campagne. […] L’immense majorité des vols d’avions et la plus grande partie des dépenses de munitions ont servi à soutenir l’armée de Terre. Ici la considération primordiale s’est imposée qu’il était utile pour la conduite d’ensemble de la guerre d’engager autant que possible les 3 parties de la Wehrmacht dans une seule et même direction. La campagne de Pologne n’a pas confirmé la théorie de Douhet sur une conduite autonome de la guerre aérienne.
Un appui direct à l’armée de Terre a été fourni avant tout par des attaques contre les routes et les voies ferrées […]. Pour soutenir indirectement l’armée de Terre, l’aviation a attaqué des colonnes en marche, des réserves, des positions de soutien, des positions d’artillerie et des ouvrages bétonnés […] Les attaques furent exécutées par des unités de bombardement en piqué et des unités d’avions de bataille.
[…] Le fait que les puissances occidentales sont entrées en guerre au même stade de l’équipement que la Pologne, qu’elles auront les mêmes difficultés que les Polonais dans la fabrication en série des avions, dans la formation du personnel et dans le perfectionnement du matériel aéronautique, autorise la conclusion que l’énorme avance de la Luftwaffe ne pourra pas être neutralisée au cours des semaines et des mois à venir. […] Notre conviction inébranlable est que les puissances occidentales elles-mêmes ne seront jamais en mesure de supporter le poids de l’offensive de notre Luftwaffe51.

30L’essentiel est dit dans ce rapport : efficacité du bombardement de théâtre (appui direct et indirect), concentration de l’effort interarmes et interarmées sur le Schwerpunkt, invalidation des thèses de Douhet, et pronostic aussi confiant que réaliste sur l’absence de chances de l’aviation française. Lors des procès de Riom en 1942, organisés par Vichy pour désigner des coupables sur la défaite de 194052, cette référence à la campagne de Pologne revient dans les propos de l’accusé Guy La Chambre. L’ancien ministre de l’Air, nommé en 1938, reporte les torts sur son prédécesseur Pierre Cot (exilé aux États-Unis) et sur les chefs militaires :

Dans la catégorie « bombardiers d’assaut », il n’y avait aucun prototype en gestation, pour la raison que l’état-major n’avait pas cru devoir mettre au concours, en 1936, un appareil de bombardement en piqué. Plus prévoyante, la Marine en avait un, le Loire-Nieuport 41. On envisagea de le commander pour l’armée de Terre, mais il fut reconnu trop lent […]. Mais il y a plus fort ! Pendant la guerre et malgré l’expérience de Pologne, la nécessité de créer une aviation importante de bombardement en piqué n’était pas encore apparue. En février 1940, le commandant en chef des forces aériennes me saisissait de ses nouveaux besoins de ce qui allait être le plan VI, et qui n’a jamais vu le jour, on avait renforcé les dotations en avions de chasse et d’assaut, mais aucun avion de bombardement en piqué n’était réclamé

Certes, il est déjà trop tard en 1938 pour rattraper des années de retard. Mais les signaux avertisseurs sur l’emploi renouvelé de la puissance aérienne peuvent se retrouver antérieurement à la campagne de Pologne, notamment lors de la guerre d’Espagne, et même bien avant durant la guerre du Rif au début des années 1920. Arnaud Teyssier a évoqué cette « histoire d’un malentendu » entre l’armée de l’Air et l’aviation d’assaut54. La France ne manquait pas de partisans de cette spécialisation du bombardement dans l’entre-deux-guerres, avec en premier lieu le général Paul Armengaud, avocat de l’appui tactique à l’issue des enseignements du Rif55, puis le général Hebrard chargé en 1938 de l’élaboration d’un Règlement sur l’aviation d’assaut56, en passant par le personnage plus connu de Camille Rougeron, qui dès 1936 proposait de concevoir un bombardier nouveau « directement issu de l’avion de chasse57 », préfigurant de manière remarquable le chasseur-bombardier. Cette même année, l’École supérieure de la guerre consacrait des éléments de doctrine aérienne sur l’aviation d’assaut dans son cours d’aéronautique, impulsé par quelques officiers supérieurs58. Par ailleurs, si la figure de Giulio Douhet domine l’historiographie actuelle du bombardement, l’Italie disposait de sa figure opposée, avec le général Amedeo Mecozzi, théoricien de l’appui indirect et auteur prolifique, pourtant bien moins évoqué59.

32Malgré les leçons des combats de la Première Guerre mondiale et des conflits suivants, l’aviation d’assaut est restée peu développée dans l’armée de l’Air jusqu’en 1939, de même que l’aviation en piqué dans l’aéronavale. La responsabilité en revient certes en bonne partie à l’armée de l’Air, soucieuse de préserver son indépendance durement acquise en s’orientant d’abord vers les bombardiers et dans une moindre mesure les chasseurs, et aussi à l’armée de Terre, peu désireuse de dépasser le rôle d’observation essentiellement accordé à l’aviation. Le terme d’aviation « d’assaut » s’est révélé source de craintes et de mésententes, jurant avec les prérogatives des forces terrestres et l’orientation stratégique résolument défensive de l’armée française.

Au début de l’année 1940, le Règlement de manœuvre de l’armée de l’Air achève de fixer l’emploi théorique de l’aviation de bombardement française pour la bataille à venir, se démarquant peu des précédentes versions. Comme évoqué par Richard Overy, l’importance du débat public sur le bombardement stratégique durant l’entre-deux-guerres ne se reflète pas dans la doctrine militaire, les bombardiers n’étant pas structurés sous formes d’unités indépendantes, mais dispersés et affectés aux grandes formations terrestres16. Ce document d’état-major général relève d’un exercice de style abstrait, sans véritable ancrage dans les capacités réelles de l’aviation française, avec de vastes orientations pour la conduite des opérations :

la lutte contre l’aviation ennemie ;

la participation aux opérations terrestres ;

la participation aux opérations navales ;

les actions de représailles17.

10La maîtrise de l’air constitue ainsi à travers la destruction de l’aviation ennemie le socle nécessaire au déroulement des opérations, avec l’appui au sol des troupes terrestres et navales. Les « actions de représailles », désignant le bombardement des civils sur les zones urbaines, n’est considéré que comme un dernier recours, conformément au paradigme fixé dès la Première Guerre mondiale. De manière remarquable, cette hiérarchie des priorités d’emploi de l’aviation correspond largement à celle de la Luftwaffe en vigueur au même moment, codifiée dans Das Luftwaffendienstvorschrift 16, (« le manuel de l’Air n° 16 ») depuis 1935 :

1. Acquisition de la supériorité aérienne ;

2. Appui des troupes au sol ;

3. Appui des forces navales ;

4. Interdiction des lignes de communication ;

5. Opérations stratégiques contre le potentiel militaire ennemi ;

6. Attaques stratégiques contre certaines cibles urbaines, centres de gouvernement et d’administration, et attaques de représailles contre les cités18.

11Ce document, aussi célèbre dans l’histoire de la puissance aérienne qu’ambivalent dans son interprétation19, indique une certaine similarité avec le modèle français qui ne dépasse toutefois guère la seule doctrine théorique. D’une part, le modèle français ne hiérarchise pas ses priorités, avec l’objectif chimérique d’être partout en même temps – contrairement à sa rivale. La Luftwaffe représente un outil conçu pour appuyer l’offensive terrestre par le bombardement de théâtre (tactique et opératif), en mesure d’assurer cet objectif avec ses bombardiers bimoteur, tout en conservant la maîtrise aérienne avec ses chasseurs. L’aviation allemande a largement réfréné dès 1936 ses ambitions stratégiques, les coûts de développement des bombardiers lourds s’avérant sans rapport avec le potentiel limité de l’économie nazie. D’autre part, la Luftwaffe est en 1939 composée de quatre Luftflotten (« flottes aériennes ») assignées à autant de corps d’armées, véritables forces de frappes concentrées sur l’effort principal (Schwerpunkt)20. L’organisation de l’armée de l’Air se révèle pour sa part complexe, héritée selon Simon Catros des querelles intestines au haut-commandement Air – notamment entre le chef d’état-major Joseph Vuillemin et Henri Jauneaud, chef de cabinet militaire de Pierre Cot21. Chaque théâtre d’opération dispose de forces aériennes réservées (en majeure partie bombardement) et de coopération (chasse, reconnaissance), constituant autant de zones de forces aériennes aux effectifs éclatés. Les chefs aériens de ces zones reçoivent leurs ordres de l’armée de l’Air en matière d’aviation réservée – sauf pour l’appui au sol rapproché – et de l’échelon supérieur du groupe d’armée terrestre pour les autres missions. Pour achever ce système kafkaïen, des « commandements de forces aériennes » s’interposent aux échelons inférieurs (armée, corps d’armée et division), le tout desservi par des communications dépendant largement du système filaire sans rapport avec une guerre de mouvements. Le général Henri Jauneaud ne prenait ainsi aucun risque en prophétisant peu avant le conflit : « Si une catastrophe militaire susceptible d’entraîner la France aux abîmes doit se produire, c’est assurément dans le domaine de l’organisation que nous la verrons venir22 ».

12La « catastrophe » ne se limite toutefois pas à la seule chaîne de commandement. Pragmatique dans son aspect général, la doctrine française s’égare rapidement lorsqu’elle affine les missions de l’aviation de bombardement :

- Normalement, [l’aviation de bombardement] prolonge, au-delà de la zone de combat terrestre ou navale et jusqu’à une grande profondeur à l’intérieur du territoire ennemi ou à une grande distance des forces navales, l’action de destruction ou de neutralisation de l’artillerie ;
- Exceptionnellement ou à l’aide de ses formations spécialisées (de bombardement d’assaut ou de bombardement en piqué) joint son feu à celui des autres armes23.

13L’aviation de bombardement est ainsi vouée à des missions stratégiques et opératives (appui indirect), mais très peu tactiques (appui direct) des troupes au sol. Il s’agit d’une différence décisive avec les avions lourds de la Luftwaffe, entièrement dédiés au bombardement de théâtre, avec l’appui direct (bombardiers en piqué Junker 87 Stuka) et indirect dédié à l’interdiction (bombardiers moyens Heinkel 111, Junker 88 et Dornier 17)24. L’armée de l’Air fait ainsi pratiquement l’impasse sur la première composante de l’appui aérien, bien que paradoxalement le Règlement de manœuvre liste précisément le spectre des spécialités de l’aviation de bombardement :

Bombardement lourd ;

Bombardement moyen ;

Bombardement léger ;

Bombardement d’assaut ;

Bombardement en piqué25.

14Cette richesse théorique de spécialisations cache en réalité de vastes lacunes. Si l’aviation française dispose de bombardiers lourds (Bloch 131), moyens (LeO 451) et légers (Breguet 693) susceptibles de réaliser des missions stratégiques et d’appui indirect, son « aviation spécialisée » regroupant l’assaut et le piqué a été en bonne partie négligée dans l’entre-deux-guerres, comme évoqué dans la dernière partie de cette étude. Les premières formations de bombardiers d’assaut (en vol rasant) équipées de Breguet 693 et constituées en urgence au printemps 1940 sont embryonnaires et inexpérimentées. L’aviation en piqué n’est pas opérationnelle dans l’armée de l’Air ; seule l’aéronavale possède quelques dizaines de Chance-Vought achetés aux États-Unis et de Loire-Nieuport 41, ce dernier ressemblant singulièrement à son équivalent allemand Junker 87 Stuka, ces deux appareils étant directement inspirés de l’aviation d’assaut aéronavale américaine pionnière en la matière. Pour les situations d’appui direct censées être « exceptionnelles », l’armée de l’Air ne peut compter que sur ses rares Breguet 693. L’essentiel de ces tâches spécialisées ne peut être accompli que par les bombardiers moyens et lourds, imprécis et vulnérables, et non conçus dans cette optique. Le Règlement de manœuvre ne fait lui-même pas mystère de l’incapacité des bombardiers à assurer l’appui direct :

Dans les périodes de crise, le commandement peut être contraint de recourir également à l’aviation de bombardement non spécialisée pour cette dernière mission, mais de telles opérations engagées avec du matériel non adapté à ce genre d’attaque risquent de donner des résultats matériels nullement en rapport avec les effectifs mis en œuvre, d’entraîner des pertes sévères, impossibles à réparer avant longtemps et qui se feront durement sentir dans la suite26.

15Ainsi, le concept de « lutte aérienne » de la doctrine d’emploi de l’aviation de bombardement mêle des héritages opérationnels dépassés de 1918, des mutations judicieuses mais trop tardives vers le bombardement de théâtre, des ambitions excédant de loin le potentiel humain et technologique de l’armée de l’Air, et les capacités industrielles limitées de l’économie nationale. Cette hybridation doctrinaire très théorique ne repose sur aucune base concrète, et ne se reflète ainsi que fort peu au niveau opérationnel. De manière générale, celle-ci ne représente nullement un outil offensif ou même défensif à l’orée de la Seconde Guerre mondiale, capable d’effectuer des missions stratégiques, de se mesurer à sa rivale ou d’appuyer les forces terrestres. Ce constat n’a rien d’une évaluation confortable a posteriori, les acteurs du drame à venir en étant eux-mêmes conscients, à commencer par le chef d’état-major de l’armée de l’Air, le général Joseph Vuillemin. Le 26 septembre 1938, ce dernier rendait ainsi compte de manière directe – bien qu’encore trop optimiste – qu’en cas de conflit avec l’Allemagne les missions ne seraient effectuées qu’au prix de grandes difficultés et de lourdes pertes, « entraînant l’anéantissement total de l’armée de l’Air française au terme du deuxième mois de guerre27 ».

2. L’apprentissage par le feu : un ajustement doctrinal pertinent ?

17L’offensive allemande le 10 mai à l’ouest entraîne comme prévu la manœuvre Dyle-Bréda, avec l’engagement de la 1re armée terrestre et de la British Expeditionnary Force en direction des Pays-Bas. Les unités de chasse et de bombardement de la ZOAE sont déployées en faveur de la ZOAN afin de couvrir l’opération, délaissant le secteur de la Ire armée terrestre dans les Ardennes, qui reçoit le choc des concentrations blindées allemandes. Dès le 12 mai, la preuve est faite de l’impotence du bombardement français. Si les chasseurs sont en mesure de se défendre et infligent dès le premier jour des pertes sévères à la Luftwaffe, les bombardiers doivent opérer dans un ciel maîtrisé par l’adversaire, face à une DCA concentrée autour des points d’attaque. Par ailleurs, les groupes de bombardement se retrouvent engagés en faible nombre dans des missions de bombardement de théâtre, n’étant peu (appui indirect) ou pas (appui direct) prévus à cet effet. Seuls deux exemples suffisent à illustrer ce schéma, répété jusqu’à la fin du mois. Le 12 mai sur le front Dyle-Bréda, 18 Breguet 693 attaquent au ras du sol une colonne de blindés autour de Tongres en Belgique, laissant huit appareils face aux canons automatiques de 20 et 37 mm, sans obtenir de résultats probants31. Pour tenter de stopper la percée qui se dessine sur le front de la Meuse, les groupes de bombardement sont envoyés en appui tactique pour détruire les ponts adverses, le pire objectif possible pour des bombardiers sans dispositif de visée efficace – un constat toujours valable quatre ans plus tard pour les appareils alliés engagés sur la France32. Le 14 mai, après une première tentative avortée de l’Advanced Air Striking Force (31 avions détruits sur 71), l’armée de l’Air ne peut déployer que 6 LeO 451 et 13 Amiot 143 en plein jour, ces derniers tout juste capables de participer à des bombardements opératifs nocturnes. Les appareils se présentent sur un objectif saturé de DCA, et contrôlé par la chasse allemande ; 5 appareils sont abattus et 2 autres s’écrasent à l’atterrissage, sans avoir obtenu de résultat33. Faute d’une coordination déficiente à tous niveaux entre les deux alliés, l’armée de l’Air et la Royal Air Force sont battues séparément34.

18Dès le 16 mai, le général Marcel Têtu est contraint de commencer à replier ses bases aériennes face à la percée allemande à Sedan. Les escadrilles de bombardement, déjà laminées et désorganisées, ne peuvent ni stopper les divisions blindées allemandes se précipitant vers les côtes de la Manche, ni appuyer efficacement les rares contre-attaques à Montcornet, Crécy-sur-Serre et notamment Arras. Le 17 mai, des appareils d’école inaptes au combat sont poussés au front, et la Marine contrainte d’engager ses quelques appareils en piqué LN 411 et Chance-Vought contre des objectifs terrestres35.

19L’appui fourni par les bombardiers légers et moyens de la Luftwaffe semble surprendre du côté français, comme si l’appui tactique direct incarnait une nouveauté surgie ex nihilo. Le colonel de l’Air Pierre Paquier, témoin direct du drame et aussi acteur ambivalent de la réhabilitation de l’armée de l’Air française après-guerre36, note à la journée du 28 mai 1940 :

Combinant le plus souvent l’effet de masse et de surprise, l’aviation de bombardement allemande continue d’appuyer la progression des unités blindées. […] Appuyées par les bombardiers, les unités mécanisées ouvrent la brèche et essaient d’en forcer rapidement l’exploitation. Les équipages adverses attaquent, à la mitrailleuse, plusieurs trains dans la région Strasbourg-Sarrebourg. Le commandement allemand continue à marquer sa préférence pour les opérations de jour, très efficaces puisque coûteuses si on les compare aux actions tentées de nuit par l’ennemi. L’aviation de bombardement continue à se manifester comme le complément indispensable du char allemand. Les sections de bombardiers ennemis, précédant les divisions blindées, repèrent nos armes antichars et les neutralisent du feu de leurs mitrailleuses ou le détruisent à la bombe. L’aviation d’assaut adverse tantôt interdit l’arrivée de nos renforts, tantôt entrave la marche de nos troupes en retraite

La note du général Têtu remonte jusqu’au Grand Quartier général de l’Air, qui synthétise ce retour d’expérience avec la publication d’une Instruction particulière le même jour, 31 mai 1940 :

La présente Instruction a pour objet d’indiquer le sens dans lequel devra être recherché un meilleur rendement du genre d’opérations en cause. Les délais d’intervention de l’aviation de bombardement résultent de la nécessité de centraliser à un échelon de commandement assez élevé (GA terrestre, ZOA) la conduite des opérations d’appui immédiat.
Ces délais semblent pouvoir être réduits par :
– Une préparation très poussée, faite à l’échelon ZOA, des opérations d’appui immédiat ; préparation qui doit comporter en particulier l’établissement, pour chaque journée, d’un programme d’appui immédiat […] les formations de chasse et de bombardement devant, à chaque période de la journée, être tenues prêtes à intervenir dans un délai déterminé.
– Une préparation minutieuse, faite dans le sens indiqué ci-dessus, doit donner à l’exécution le maximum d’automaticité.
– L’utilisation de la radio pour la transmission simultanée, par les forces aériennes d’armées, des demandes d’appui.
– Une protection de chasse suffisante doit être obtenue […]
La réduction des délais de transmissions et de décision devra permettre de maintenir en situation d’attente, et non d’alerte, les unités devant intervenir. La centralisation à l’échelon ZOA de la conduite des opérations d’appui immédiat doit permettre de répartir, par roulement, entre un nombre assez grand d’unités, cette mission d’attente en vue d’attaques éventuelles.
La présente Instruction, qui ne saurait prétendre fixer d’une façon définitive le mécanisme de déclenchement des opérations d’appui immédiat à exécution par l’aviation de bombardement, n’a pour but que d’indiquer le sens dans lequel une solution doit être recherchée. Il appartient aux commandants de ZOA d’adapter à chaque situation particulière l’application de ces principes, en ne perdant pas de vue le but à atteindre : obtenir une intervention efficace et rapide de l’aviation de bombardement ; économiser nos forces41.

23En trois semaines d’apprentissage meurtrier, le GQGA tente avec cette Instruction particulière de rattraper des années de carences en matière de puissance aérienne. Centralisation et rationalisation du commandement, liaisons radio instantanées sol/air, appui tactique disponible à tout moment, souplesse et réactivité : c’est là le modèle mis en œuvre au même moment par la Wehrmacht – mais que l’armée de l’Air est incapable d’appliquer. Si l’ajustement doctrinal du GQGA s’avère judicieux, le matériel, les hommes, les renforts et le temps font défaut. Quatre jours après la parution de l’Instruction particulière, la poche de Dunkerque tombe, et l’offensive finale de la campagne de France s’engage le 5 juin.

24Pour la dernière phase de la campagne de France, l’armée de l’Air dispose de manière a priori paradoxale de 2 348 appareils dont 1 084 chasseurs et 519 bombardiers, soit 376 de plus qu’au 10 mai. Ces bénéfices tardifs du plan V sont cependant largement annulés par les nécessaires délais de prise en compte d’appareils récents et parfois inaptes ; dans les faits moins de 30 % des appareils sont opérationnels au début de juin42. Si l’issue des batailles de l’Aisne, de la Somme et de l’Ailette pour percer la « ligne Weygand » ne laisse guère planer de doutes, les combats n’en demeurent pas moins indécis durant plusieurs jours. La Wehrmacht n’a plus l’effet de surprise, et l’aviation de bombardement française fait en sorte d’appliquer l’Instruction 27 avec ses maigres moyens inadaptés. Paquier évoque ce réajustement doctrinaire précipité :

5 juin : Nos bombardiers, à l’image des bombardiers ennemis, mènent désormais leurs actions en fonction de la manœuvre terrestre. C’est donc la bataille au sol qui impose à nos expéditions de bombardement :
- l’objectif ;
- l’importance des moyens à consentir ;
- les délais d’intervention.
Au cours de la journée du 5 juin notre aviation de bombardement effectue 126 sorties, engageant la totalité de ses moyens en appui immédiat de la bataille en cours, harcelant les passages de la Somme, bombardant sans répit les rassemblements ennemis signalés au sud de Péronne et dans la région d’Amiens43.

25Reprenant à leur compte les méthodes d’appui direct de la Luftwaffe, les forces réservées françaises participent, efficacement selon Paquier, aux échec initiaux de la Wehrmacht – mais les forces terrestres ont également tiré des leçons utiles, de même que l’artillerie lourde se montre au moins aussi efficace que l’aviation – contrainte d’appliquer une bataille de positions. Les Breguet 693, ces avions d’assaut conçus à l’origine comme chasseurs lourds et peu adaptés à leur mission, attaquent les ponts sur l’Aisne, l’Ailette et la Somme, puis les formations blindées tentant de se faufiler entre les positions françaises. Face à l’écrasante supériorité adverse, la bataille est perdue le 10 juin. Les divisions blindées allemandes finissent par percer et se précipiter vers la Bretagne, Paris et la vallée du Rhône. L’armée de l’Air jette inutilement l’ensemble de ses avions dans l’agonie nationale, avec ses chasseurs Dewoitine 520 neufs opérant en appui direct contre les pointes adverses – les survivants sont par la suite intégrés à l’armée de l’Air de Vichy, principalement en métropole et en Afrique du Nord44.

26De manière révélatrice, lorsque la campagne s’achève le 22 juin 1940, les Breguet 693 des GB 18 et 19 ont effectué le plus grand nombre de sorties offensives parmi les unités de bombardement françaises, avec près de 500 missions45. Ces groupes ont perdu 47 appareils sur les 106 délivrés aux bases aériennes, sur un total édifiant de 254 avions produits46. Sur l’ensemble de la campagne, l’appui tactique n’a cessé d’être la première utilisation des forces de bombardement, devant l’appui opératif, ne laissant quasiment aucune place au bombardement stratégique, pourtant omniprésent dans les réflexions d’avant-guerre.

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Re: LES CAUSES D'UNE DÉFAITE, LA FRANCE POUVAIT-ELLE GAGNER?

Nouveau message Post Numéro: 467  Nouveau message de alain adam  Nouveau message 31 Mar 2022, 01:09

Dog Red a écrit:Ça relativise en effet.
Par rapport aux CA français engagés en Belgique, as-tu aussi des éléments de comparaison ?


J'ai, mais je laisse des gens comme Eric Denis intervenir.
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Re: LES CAUSES D'UNE DÉFAITE, LA FRANCE POUVAIT-ELLE GAGNER?

Nouveau message Post Numéro: 468  Nouveau message de Dog Red  Nouveau message 31 Mar 2022, 07:08

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Re: LES CAUSES D'UNE DÉFAITE, LA FRANCE POUVAIT-ELLE GAGNER?

Nouveau message Post Numéro: 469  Nouveau message de Dog Red  Nouveau message 01 Juin 2022, 21:14

Je partage ici l'impression du chef d'état-major de la 18e DI en défensive sur la Meuse dinantaise :

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Source : FB, Musée du souvenir Meuse 1940.haut-le-wastia
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Re: LES CAUSES D'UNE DÉFAITE, LA FRANCE POUVAIT-ELLE GAGNER?

Nouveau message Post Numéro: 470  Nouveau message de dynamo  Nouveau message 02 Juin 2022, 00:13

La 18ème DI est engagée dans la très funeste histoire de l’écluse de Houx.
La dictature c'est "ferme ta gueule", et la démocratie c'est "cause toujours".
Woody Allen.

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