Post Numéro: 76 de Gardavous 01 Mar 2014, 07:37
L'accalmie de fin de Mai
Mais le flot qui a atteint son maximum le 20 mai et jours suivants, où l'on a distribué des repas à raison de 1500 pour la seule gare des Chantiers, à plus de 1000 pour le centre Jouvencel, s'étale et s'atténue après quelques jours.
Lers allemands portent leur effort vers l'ouest, à travers la Picardie, au nord de la Somme et de l'Aisne, où nos armées s'installent sur des lignes naturelles que l'on veut croire inexpugnables. Et pendant que la bateille fait rage dans les Flandres, une accalmie se fait au sud des lignes de la Somme et de l'Aisne. l'opinion, d'abord très troublée par ce que l'on a appris de la nouvelle tactique des chars et des avions, se rassure à la lecture des communiqués où l'on apprend que nos armées ont su s'adapter aux nouvelles méthodes , que l'ennemi est contenu, que la magnifique retraite de l'armée Blanchard autorise tous les espoirs, et que l'ére des surprises est close.
Nul, en tous cas, malgré le danger pressant, ne conçoit qur Paris et Versailles puissent être sérieusement menacés, et malgré les départs individuels qui ne cessent guère, le calme se rétablit; à la fin de Mai la vie est normale.
Du 3 au 10 juin
Deux évènements viennent bientôt la troubler.
- Le 28 mai, la capitulation du roi des belges apporte la consternation. Notre armée du Nord, découverte sur son flanc gauche, est obligée de retraiter sur Dunkerque.
- Le 3 juin, à 13h30, la région parisienne est soumise à une offensive de plusieurs centaines d'avions. A Versailles, le quartier des Chantiers est particulièrement visé. Deux bombes tombent, avec un sifflement sinistre, dans la rue des Réservoirs, où elles n'éclatent pas. Sept foyers d'incendie sont allumés à Versailles; notamment à l'hôtel de
Mr Labeyrie, rue de Vergennes, dont la bibliothèque est détruite. Il n'y a heureusemeny pas eu de victimes, et le service des pompiers, dirigé par M. le général Sutterlin organisateur de la défense passive, s'active à la satisfaction de tous.
Cependant St-Cyr, Villacoublay, Voisins-le-Bretonneux, furent l'objet de plus violents bombardements. L'entrepôt général des produits pharmaceutiques, à St-Cyr, fut incendié, de place en place. Des tonnes d'éther, et d'autres matières inflammables brulent, des canalisations d'eau sont rompues, on fait appel aux pompiers de versailles et de Paris.
Le sénateur-maire Henri Haye va à St-Cyr coordonner les services d'extinction, il échappe de justesse à l'explosion d'une bombe de gros calibre qui éclate à 16h20 entre le bassin de choisy, la route et la Manutention. Un soldat est déchiqueté, le sapeur versaillais Trojain blessé, la moto-pompe mise hors d'usage, et l'ambulance municipale détruite.
D'autres explosions à retardement se font entendre ensuite.
Ce bombardement provoque une vive émotion. Une heure après l'attaque des avions allemands on assiste déjà au départ d'autos matelassées: L'exode ne cessera plus dorénavant.
Mais c'est encore une fuite limitée, par voiture ou par chemin de fer, sans panique. Chacun commente les évènements; on se rassure bien vite, et les jeunes gens courrent à la recherche des éclats et des carcasses de bombes. Ils en réunissent de véritables collections.
Deux jours après, la bataille de France commence. Et dès lors commence aussi le recul lent, mais continu. Chaque communiqué apporte de mauvaises nouvelles; on s'inquiète de voir l'ennemi conserver partout l'initiative de la manoeuvre; l'inquiétude grandit. Malgré tout, jusqu'au 9 juin inclus, malgré l'évacuation croissante, la vie reste normale. Les départs individuels continuent, provoqués surtout par le spectacle d'une nouvelle vague de réfugiés, de l'Oise, de l'Aisne. Au lycée, environ un tiers des élèves sont partis. Le 9, les gares sont remplies d'une foule de plus en plus pressée, les trains sont multipliés, les départs se font en ordre. Le soir du 9, on apprend que les lycées sont fermés, les examens renvoyés; on raconte que les services publics s'en vont; que les usines de défense nationale se replient; les entreprises de tout espèce fuient Paris; tous ces racontars vrais ou faux se superposent aux nouvelles officielles: Le 8 juin, les Allemands sont à Forges-les-eaux, et ont passé l'Aisne; le 9 ils sont aux faubourgs de Rouen, à Pont de l'Arche; ils avancent en tardenois, le mouvement d'encerclement de Paris se dessinne. Le 10 juin, la panique se déclenche brusquement.
Pendant cette période agitée,, mais ordonnée, du 9 au 10 les centres d'accueil redoublent d'activité. Il faut qu'on sache que jusqu'au bout, des groupes de personnes dévouées, dont les noms sont retenus, ont conservé leur calme dans l'affolement général pour soulager les misères innombrables. Cet aspect de l'activité versaillaise, sur lequel nous reviendrons-car nous ne pouvons tout dire aujourd'hui-doit être mis en évidence pour nous consoler des défaillances, innombrables aussi, et enregistrées également en vue du règlement des comptes, qui ont marqué les quatre jours de la grande panique, du 10 au 14.